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economie

“Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999)

23 Février 2024 , Rédigé par Recherches en Sociologie et sciences humaines.tn.kh.A Publié dans #Economie

Normand Baillargeon
Philosophe libertaire
Professeur au département d'éducation et pédagogie, UQÀM
(1999)
“Une proposition libertaire: l’économie participative.”
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Courriel: jean-marie_tremblay@uqac.ca
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Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 2
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Jean-Marie Tremblay, sociologue
Fondateur et Président-directeur général,
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Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 3
Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de l’article de :
Normand Baillargeon
Professeur au département d'éducation et pédagogie, UQÀM
“Une proposition libertaire: l’économie participative”.
Un article publié dans la revue Agone, philosophie, critique et Littérature, no 21, mars 1999, pp. 159-176. Un numéro intitulé : “Utopies économiques”
http://atheles.org/agone/revueagone/agone21/
[Autorisation formelle accordée par l’auteur de diffuser cet article le 20 avril 2006.] Courriel : baillargeon.normand@uqam.ca
Polices de caractères utilisée :
Pour le texte: Times New Roman, 14 points.
Pour les citations : Times New Roman 12 points.
Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.
Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2004 pour Macintosh.
Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)
Édition numérique réalisée le 19 juin 2007 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec, Canada.
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 4
Table des matières
Présentation du texte. Agone.
Introduction
Antécédents théoriques
Une solution intellectuellement crédible & pratiquement viable
Efficience, équité, autogestion, solidarité, variété
Ni marché ni planification centrale
Production, propriété, consommation
L’ensemble équilibré de tâches
Décisions décentralisées
Quelques critiques & des réponses
Penser qu’un autre monde est possible
Bibliographie
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 5
Normand Baillargeon
Professeur au département d'éducation et pédagogie, UQÀM
“Une proposition libertaire: l’économie participative”.
Un article publié dans la revue Agone, philosophie, critique et Littérature, no 21, mars 1999, pp. 159-176. Un numéro intitulé : “Utopies économiques”
Présentation du texte
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L’ambition de ce modèle est la suivante : « Nous cherchons à définir une éco-nomie qui distribue de manière équitable les obligations et les bénéfices du travail social ; qui assure l’implication des membres dans les prises de décision à propor-tion des effets que ces décisions ont sur eux ; qui développe le potentiel humain pour la créativité, la coopération et l’empathie ; et qui utilise de manière efficiente les ressources humaines et naturelles dans ce monde que nous habitons – un monde écologique où se croisent de complexes réseaux d’effets privés et publics. En un mot : nous souhaitons une économie équitable et efficiente qui promeuve l’autogestion, la solidarité et la variété ».
Introduction
ROBIN HAHNEL, PROFESSEUR D’ÉCONOMIE à l’université de Washington et Michael Albert, activiste américain bien connu, ont élaboré, au début des années 1990, un modèle économique qu’ils ont appelé Participatory Economics ou Parecon – ce que je propose ici de rendre par Écopar.
Ce très ambitieux travail est quelque peu connu aux États-Unis, du moins dans le milieu des économistes « progressistes » et dans celui des activistes de tendance libertaire. L’Écopar vise à concevoir et à
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 6
rendre possible la mise en place d’institutions économiques qui per-mettent la réalisation de fonctions précises, assignées à de telles insti-tutions, mais dans le respect de certaines valeurs, dont les auteurs sou-tiennent qu’elles sont justement celles que la gauche – plus précisé-ment la gauche libertaire – a jugées et juge toujours fondamentales.
L’ambition de ce modèle est la suivante : « Nous cherchons à défi-nir une économie qui distribue de manière équitable les obligations et les bénéfices du travail social ; qui assure l’implication des membres dans Une proposition libertaire : l’économie participative les prises de décision à proportion des effets que ces décisions ont sur eux ; qui développe le potentiel humain pour la créativité, la coopération et l’empathie ; et qui utilise de manière efficiente les ressources humai-nes et naturelles dans ce monde que nous habitons – un monde écolo-gique où se croisent de complexes réseaux d’effets privés et publics. En un mot : nous souhaitons une économie équitable et efficiente qui promeuve l’autogestion, la solidarité et la variété 1 ».
Au total, l’Écopar propose un modèle économique dont sont bannis aussi bien le marché que la planification centrale (en tant qu’institu-tions régulant l’allocation, la production et la consommation), mais également la hiérarchie du travail et le profit. Dans une telle écono-mie, des conseils de consommateurs et de producteurs coordonnent leurs activités au sein d’institutions qui promeuvent l’incarnation et le respect des valeurs préconisées. Pour y parvenir, l’Écopar repose en-core sur la propriété publique des moyens de production ainsi que sur une procédure de planification décentralisée, démocratique et partici-pative, par laquelle producteurs et consommateurs font des proposi-tions d’activités et les révisent jusqu’à la détermination d’un plan dont on démontre qu’il sera à la fois équitable et efficient.
1 M. Albert & R. Hahnel, The Political Economy of Participatory Economics, Princeton : Princeton University Press, 1991, p. 7.
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 7
ANTÉCÉDENTS THÉORIQUES
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La démonstration faite par les auteurs a été a ce point convaincante que les débats et les discussions qui ont entouré l’Écopar ont pour l’essentiel porté sur sa désirabilité plutôt que sur sa faisabilité. Je re-viendrai plus loin sur quelques-uns de ces débats. Cependant, très peu d’analyses ont été consacrées aux sources théoriques de ce modèle économique, et ses créateurs eux-mêmes n’ont pas substantiellement abordé cette question des antécédents théoriques de l’Écopar. On ne peut que souhaiter que cette lacune sera comblée, notamment parce qu’il m’apparaît plus que probable qu’une meilleure contextualisation historique et théorique ne pourra que contribuer significativement à une appréciation plus fine des enjeux et des éventuels mérites de l’Écopar.
Je pense pour ma part qu’un tel travail découvrira que l’anarchisme constitue la principale source théorique de l’économie participative.
En exergue de leur travail sans doute le plus ambitieux sur le plan théorique 2, les auteurs ont placé cette remarque de Noam Chomsky : « Je veux croire que les êtres humains ont un instinct de liberté, qu’ils souhaitent véritablement avoir le contrôle de leurs affaires ; qu’ils ne veulent être ni bousculés ni opprimés, recevoir des ordres et ainsi de suite ; et qu’ils n’aspirent à rien tant que de s’engager dans des activi-tés qui ont du sens, comme dans du travail constructif qu’ils sont en mesure de contrôler ou à tout le moins de contrôler avec d’autres. Je ne connais aucune manière de prouver tout cela. Il s’agit essentielle-
2 M. Albert & R. Hahnel, « Participatory Planning », Science and Society, spring 1992.
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ment d’un espoir placé dans ce que nous sommes, un espoir au nom duquel on peut penser que si les structures sociales se transforment suffisamment, ces aspects de la nature humaine auront la possibilité de se manifester. »
À n’en pas douter, un tel espoir est celui qu’ont entretenu les anar-chistes et il traverse de part en part l’économie participative.
L’inspiration libertaire de l’Écopar est à la fois diffuse – entendez par là qu’elle imprègne tout le modèle – et explicite – certaines de ses caractéristiques fondamentales étant directement reprises de la tradi-tion anarchiste. Sur ces deux plans, un bilan précis reste à dresser. Mais qui prend contact avec l’Écopar ne peut manquer de relever sa parenté intellectuelle profonde avec ce que Michael Albert appelle « les valeurs et l’esprit de Kropotkine 3 ».
Anti-autoritariste 4 ; soucieuse de réaliser l’équité de circonstances et de ne faire dépendre les éventuelles inégalités que de variables sur lesquelles ont maîtrise des individus placés dans de telles circonstan-ces ; défendant une conception de la liberté comme conquête sociale et historique ; opposée aussi bien au marché qu’à la planification cen-trale ; on découvre encore dans l’Écopar l’influence du Kropotkine de L’Aide mutuelle : un facteur d’évolution, qui s’opposait au réduction-nisme biologique des néo-darwiniens sociaux en faisant jouer un autre
3 Correspondance avec l’auteur de cet article.
4 « Toute hiérarchie demande à être légitimée. Or, un lieu de travail, dans nos sociétés n’est ni plus ni moins qu’une dictature totalitaire. Le travail est admi-nistré d’en haut, par quelques personnes ; les autres, en bas, n’ont rien à dire. Il n’y a aucune démocratie là-dedans. Rien d’autre qu’une stricte hiérarchie de pouvoir, qui est aussi une hiérarchie des circonstances sociales, des revenus, du prestige et ainsi de suite. Je pense qu’on ne peut en fournir aucune justifi-cation, que cela n’existe que pour préserver les avantages de ceux qui sont en haut. Mais il est aussi frappant de remarquer combien la gauche n’adhère à cette idée qu’en paroles – car le fait est que les organisations de gauche sont souvent elles-mêmes hiérarchiques et autoritaires. » N. Baillargeon, « Michael Albert : l’autre économie », Le Devoir, Montréal, 16 juin 1997, p. B1.
(http://www.smartnet.ca/users/vigile/idees/philo/baillargeonMAlbert.html)
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déterminisme biologique, celui de l’entraide et de la coopération. Al-bert et Hahnel écrivent : « Jusqu’à maintenant, la plupart des écono-mistes professionnels ont convenu que la nature humaine ainsi que la technologie contemporaine interdisent a priori des alternatives égali-taires et participatives. Ils ont généralement soutenu qu’une produc-tion efficiente devait être hiérarchique, que seule une consommation inégalitaire pouvait fonder une motivation efficiente et que l’allocation ne pouvait être réalisée que par le marché ou la planifica-tion centrale et jamais par des procédures participatives 5 ». L’Écopar est un effort soutenu pour démontrer que de telles assertions sont aussi bien factuellement contestables que moralement irrecevables.
Autre influence libertaire revendiquée, celle de Bakounine, dont les auteurs s’inspirent dans leur critique des économies de planifica-tion centrale. On se rappellera ici l’important débat qui opposa Marx au Russe au sein de la 1ère Internationale, au terme duquel Bakounine prédisait la terrifiante montée d’une « bureaucratie rouge » dans les régimes communistes autoritaires. Albert et Hahnel prolongent cette analyse dans leur examen des économies de planification centrale, dénoncées comme étant au service de ceux qu’ils nomment les « coordonnateurs » –, intellectuels, experts, technocrates, planifica-teurs et autres travailleurs intellectuels qui monopolisent l’information et l’autorité dans la prise de décision. Classe intermédiaire dans le ca-pitalisme, ces coordonnateurs ont constitué la classe dominante dans les économies du Bloc de l’Est.
Si l’héritage libertaire de l’Écopar est indéniable et lucidement as-sumé, à d’autres égards, le travail de Hahnel et Albert est substantiel-lement en rupture avec cette tradition libertaire. Ce qu’ils lui repro-chent, pour l’essentiel, c’est de ne pas avoir fourni de réponses préci-ses, crédibles et pratiquement viables aux nombreux et bien réels pro-blèmes posés par le fonctionnement d’une économie – sur le plan de l’allocation des ressources, de la production, de la consommation. Les
5 M. Albert & R. Hahnel, op. cit, 1991, p. 4.
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propositions anarchistes en économie sont ainsi, à leur yeux, très lar-gement restées à l’état de propositions critiques et négatives : au total, on sait très bien ce que les anarchistes refusent en matière d’institutions économiques (les inégalités de statut, de revenu, de cir-constance ; la propriété privée des moyens de production ; l’esclavage salarial et ainsi de suite), mais beaucoup moins ce qu’ils préconisent et les moyens de parvenir à des institutions échappant à ces critiques et incorporant les valeurs privilégiées. Ce n’est pas le lieu d’examiner ici en détail cette évaluation des apports de la tradition libertaire en économie pour décider de sa validité. Rappelons simplement que c’est du côté des conseils – telle qu’on peut trouver cette idée exposée et défendue par exemple dans la tradition des soviets, du Guild Socia-lism mais aussi chez Rosa Luxembourg et plus encore chez Anton Pannekoek – que l’Écopar trouvera son inspiration pour la conceptua-lisation de ses institutions économiques.
Une dernière remarque sur les sources de l’Écopar : après avoir pris connaissance des valeurs prônées par l’Écopar, c’est peut-être aussi au socialisme utopiste du siècle dernier, à celui de Fourier par exemple, que le lecteur francophone songera d’abord. Hahnel et Al-bert ont quant à eux revendiqué une filiation avec les idées d’Edward Bellamy (1850-1898), lequel est si peu connu du lectorat francophone que je souhaite en toucher un mot. Bellamy a fait paraître, en 1888, un roman intitulé Looking Backward, 2000-1887 – dont le titre a d’ailleurs inspiré celui de l’ouvrage qui présente l’Écopar au grand public 6.
Dans ce roman, qui connut en son temps un immense succès, Bel-lamy imagine les États-Unis en l’an 2000. Le pays vit alors sous un régime socialiste dans lequel l’industrie est mise au service des be-soins humains et où l’activité économique se réalise au sein d’institutions favorisant l’équité, la fraternité, l’entraide et la coopéra-
6 Looking Forward : Participatory Economics for the Twenty First Century, Boston : South End Press, 1991.
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tion. Virulente critique du capitalisme et de ses effets dévastateurs, de l’économie de marché et de ses chantres, le livre paraît alors que sont encore vives les plaies de la crise du Haymarket de Chicago et il par-ticipe de ce qui sera un des derniers moments forts des luttes ouvrières libertaires en Amérique du Nord.
UNE SOLUTION INTELLECTUELLEMENT CRÉDIBLE & PRATIQUEMENT VIABLE
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Ces idées de Hahnel et Albert ont d’abord étés développées dans deux volumes parus en 1991. Depuis cette date, les auteurs ont abon-damment présenté leur modèle à divers auditoires et par divers moyens – articles, entretiens, conférences, cours, groupes de travail et de discussion, notamment sur Internet ; ils l’ont également défendu contre les diverses objections dont il a fait l’objet ; ils ont, enfin, mis sur pied ou contribué à mettre sur pied diverses tentatives d’implanta-tion des principes et procédures de l’Écopar dans quelques lieux de travail qui ont souhaité fonctionner selon les principes et les valeurs que ce modèle met en avant.
L’économie participative se veut donc une solution intellectuelle-ment crédible et pratiquement viable, ne tombant en particulier dans aucun des pièges de la simple et trop facile dénonciation moralisatrice à laquelle on peut concéder aux auteurs que la gauche succombe trop souvent dans ses analyses et propositions économiques. Je citerai à ce propos encore Michael Albert : « Sur le plan économique, à gauche, on arrive à dire des choses comme celles-ci : les gens dans ma société consomment beaucoup trop, c’est horrible pour telle ou telle raison – il faut donc abolir la consommation. Ou encore : les gens de ma socié-té travaillent, il faut abolir le travail. Au lieu de reconnaître qu’il y a un certain nombre de fonctions qu’une économie doit accomplir : la
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question est alors de savoir comment le faire tout en respectant certai-nes valeurs désirables. Bien des écologistes vont dire, par exemple : “Genaral Motors, c’est gros – donc tout ce qui est gros est mauvais. Il faut penser petit.” Mais ce n’est pas une analyse, c’est un réflexe. C’est faux, même d’un point de vue écologique. Les gens entendent ça et rigolent en se disant qu’on va aboutir à une société où on n’aura pas assez à manger. Avec raison. Il faut faire mieux. 7 »
Il serait présomptueux de prétendre rendre compte des tenants et des aboutissants d’une telle proposition en quelques pages. C’est pourquoi le présent article se propose, plus modestement, de présenter succinctement quelques-unes des caractéristiques les plus remarqua-bles du modèle puis de fournir les informations qui permettront d’aller plus loin à qui souhaitera en savoir plus.
EFFICIENCE, ÉQUITÉ, AUTOGESTION, SOLIDARITÉ, VARIÉTÉ
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Quels critères évaluatifs convient-il d’employer pour juger d’institutions économiques ? Avant de proposer leur propre modèle, Albert et Hahnel ont consacré un important travail à répondre à cette question 8. Au terme de leurs analyses, ils proposent un modèle dit de « préférences endogènes », qui débouche sur une substantielle refor-mulation des critères évaluatifs habituellement retenus pour juger des économies. Pour aller rapidement à l’essentiel, rappelons qu’ils accep-tent l’optimum de Pareto comme critère de l’efficience économique mais qu’ils le relient à une conception des sujets conçus comme agents conscients et dont les préférences et caractéristiques sont sus-
7 Normand Baillargeon, ibid.
8 M. Albert & R. Hahnel, Quiet Revolution in Welfare Economics, Princeton : Princeton University Press, 1990 ; Normand Baillargeon, ibid.
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ceptibles de se développer et de se préciser avec le temps. Cette défi-nition de l’efficience est le premier critère évaluatif retenu.
Le deuxième est l’équité. La plupart des économistes retiennent également ce critère et l’Écopar convient d’emblée de ce qu’elle est une caractéristique désirable d’une économie 9. Mais Albert et Hahnel rappelle aussi que quatre maximes distributives concurrentes, corres-pondant à quatre écoles de pensée également concurrentes, proposent autant de définitions de ce qui constitue l’équité. Les voici :
— maxime distributive 1 : paiement selon la contribution de la personne ainsi que celle des propriétés détenues par elle ;
— maxime distributive 2 : paiement selon la contribution person-nelle ;
— maxime distributive 3 : paiement selon l’effort ;
— maxime distributive 4 : paiement selon le besoin.
La plupart des économistes, on le sait, adoptent les maximes 1 ou 2. Les anarchistes, quant à eux, ont maintes fois exprimé leur préfé-rence pour la maxime 4. Tout en reconnaissant que c’est vers elle qu’il faut tendre, l’Écopar opte pour la maxime 3 et se construit donc, hic et nunc, à partir de l’idée de rémunération selon l’effort.
Le troisième critère évaluatif est l’autogestion (ce par quoi je pro-pose de rendre ce que les auteurs nomment self-management). De longues analyses sont consacrées à cette propriété. Ici encore, pour aller rapidement à l’essentiel, disons simplement que les auteurs abou-tissent à une définition de l’autogestion entendue comme le fait que la voix de chacun a de l’impact sur une décision à proportion de ce qu’il sera affecté par cette décision. Albert et Hahnel tiennent avec raison cette définition de l’autogestion comme un des apports les plus origi-naux, novateurs et lourds d’impact de l’Écopar.
9 M. Albert & R. Hahnel, op. cit., 1990.
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Le quatrième critère évaluatif est la solidarité, entendue comme la considération égale du bien-être des autres.
Le cinquième et dernier critère évaluatif est la variété, entendue comme diversité des outputs.
Armés de ces critères, demandons-nous ce qu’on peut penser des institutions économiques qui s’offrent à nous. Plus précisément, nous chercherons à déterminer dans quelle mesure des institutions d’allo-cation, de même que des institutions de production et de consomma-tion, permettent – ou non – de s’approcher de ces valeurs désirables que nous venons de poser. Deux institutions allocatives s’offrent à notre examen : le marché ; la planification centrale.
NI MARCHÉ NI PLANIFICATION CENTRALE
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La critique du marché occupe une part importante du travail pré-alable accompli par les auteurs. Au terme de ce travail, ils concluent que loin d’être cette institution socialement neutre et efficiente dont on vante parfois les mérites, le marché érode inexorablement la soli-darité, valorise la compétition, pénalise la coopération, ne renseigne pas adéquatement sur les coûts et les bénéfices sociaux des choix in-dividuels (notamment par l’externalisation), suppose la hiérarchie du travail et alloue mal les ressources disponibles. Pour résumer plus simplement cette position à laquelle les auteurs parviennent, voici ce que me déclarait Michael Albert, lors d’un récent entretien : « Le marché, même à gauche, ne fait plus guère l’objet d’aucune critique, tant la propagande a réussi à convaincre tous et chacun de ses bien-faits. Je pense pour ma part que le marché est une des pires créations de l’humanité. Le marché est quelque chose dont la structure et la dy-namique garantit la création d’une longue série de maux, qui vont de
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l’aliénation à des comportements et des attitudes antisociaux en pas-sant par une répartition injuste des richesses. Je suis donc un aboli-tionniste des marchés – même si je sais bien qu’ils ne disparaîtront pas demain –, mais je le suis de la même manière que je suis un abolition-niste du racisme. »
La planification centrale, comme institution d’allocation, ne passe guère mieux le test que lui font subir nos cinq critères évaluatifs. Pour qu’un système d’allocation par planification centrale soit efficient, on reconnaît généralement qu’il doit satisfaire à un certain nombre de contraintes préalables. En particulier, les décideurs doivent connaître et maîtriser l’information nécessaire pour effectuer les calculs permet-tant l’élaboration du plan et pouvoir imposer les incitatifs qui assure-ront que les agents économiques accompliront leurs tâches respecti-ves. La plupart des économistes contemporains refusent d’accorder ces préalables et conviennent avec Von Mises et les néoclassiques que l’impossibilité de les concéder en théorie signe l’impossibilité prati-que des économies de planification centrale. Albert et Hahnel mon-trent pour leur part que, même si on accorde ces improbables prémis-ses, de telles économies seront toujours inacceptables du point de vue des critères évaluatifs qu’ils proposent. Si le marché détruit systémati-quement la solidarité, la planification centrale détruit systématique-ment l’autogestion, empêche la détermination par chacun de préféren-ces personnelles qui prennent en compte de manière raisonnable les conséquences sociales de ses choix. Au total, la planification centrale promeut la montée d’une classe de coordonnateurs en plus de générer de bien piètres résultats.
Si cette analyse est juste, ni le marché ni la planification centrale ne peuvent générer des résultats qui soient conformes aux critères éva-luatifs avancés. Il faut donc inventer une nouvelle procédure d’allocation : ce que se propose justement l’Écopar.
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PRODUCTION, PROPRIÉTÉ, CONSOMMATION
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Qu’en est-il à présent des institutions de consommation et de pro-duction ? Cette fois encore, c’est à la lumière des critères évaluatifs mis en avant par l’Écopar qu’il convient de les jauger afin de décider si celles qui existent pourraient convenir à une économie participative.
La propriété privée est le premier candidat au titre d’institution de production. Dans son acception libérale, la liberté d’entreprendre et le droit de jouir sans entrave des fruits de son activité sont considérées conjointement comme étant fondamentaux – voire naturels, du moins dans les versions naturalistes du libéralisme. Cette liberté économique serait en outre au coeur des libertés politiques. Les critères évaluatifs que nous avons rappelés nous indiquent déjà que l’Écopar, optant pour une définition de la liberté économique entendue comme auto-gestion, refuse la propriété privée des moyens de production, qui mine à la fois cette autogestion, la solidarité et l’équité – dans la mesure où elle ne rémunère pas selon l’effort et adopte plutôt la première maxime distributive.
Enfin, au nom de l’équité et de la solidarité, une économie partici-pative refusera aussi toute organisation hiérarchique du travail, fut elle instaurée au sein de lieux de production qui seraient détenus collecti-vement. Reste à faire la preuve que la production peut demeurer effi-ciente tout en étant non-hiérarchique – nous y reviendrons.
Terminons par un examen des institutions de consommation. Les économies existantes ne leur consacrent que très peu d’analyses et l’acceptation de caractéristiques hiérarchiques dans la production in-duit l’acceptation d’une consommation inégalitaire. Une économie
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participative proposera donc des institutions et des relations de consommation non-hiérarchiques, permettant une participation équi-table à la production.
Le problème de la production, tel qu’il se pose à une économie participative, est essentiellement d’assurer une démocratie participa-tive dans les lieux de travail. Démocratie par laquelle sont exclues les relations hiérarchiques et respectées les critères évaluatifs mis de l’avant par une telle économie tout en assurant que chacun sera en mesure de prendre une part réelle et significative dans les prises de décision.
Cette fois encore, je suis contraint d’aller rapidement à l’essentiel, pour en arriver directement, par-delà l’argumentation qui y conduit, à l’idée de Balanced Job Complex, concept que je propose de rendre par « ensemble équilibré de tâches ». Il s’agit ici d’une des innovations majeures de l’Écopar.
L’ENSEMBLE ÉQUILIBRÉ DE TÂCHES
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La proposition est au fond fort simple. Au sein des lieux de pro-duction d’une Écopar, personne n’occupe à proprement parler un em-ploi, du moins au sens où ce terme est entendu d’ordinaire. Chacun s’occupe plutôt d’un ensemble de tâches, lequel est comparable, du point de vue de ses avantages, de ses inconvénients ainsi que de son impact sur la capacité de son titulaire à prendre part aux décisions du conseil de travailleurs, à n’importe quel autre ensemble équilibré de tâches au sein de ce lieu de travail. De plus, tous les ensembles de tâ-ches qui existent au sein d’une société fonctionnant selon l’Écopar seront globalement équilibrés et il arrivera même, pour ce faire, que des travailleurs aient à accomplir des tâches à l’extérieur de leur lieu de travail.
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Les créateurs de l’Écopar consacrent beaucoup d’espace, d’énergie et d’ingéniosité à défendre cette idée, à montrer qu’il est non seule-ment souhaitable en théorie mais également possible et efficient en pratique de balancer de la sorte les tâches de production qui sont ac-complies au sein d’une économie. Plus précisément, leur argumentaire tend à montrer que cette manière de faire est efficiente, équitable et assure le respect des valeurs préconisées – à commencer, bien évi-demment, par l’autogestion, dont elle est une condition nécessaire. Deux arguments sont le plus souvent invoqués contre cette pratique. Je voudrais les rappeler ici afin de montrer comment y répondent les partisans de l’Écopar 10.
Selon un premier argument, s’il est plausible de penser, comme in-cite d’ailleurs à le faire une imposante littérature, que le fait de per-mettre aux travailleurs d’avoir un mot à dire sur leurs tâches accroît l’efficience du travail et sa désirabilité aux yeux de qui l’accomplit, la proposition de construire des ensemble équilibrés de tâches va bien au-delà et néglige deux éléments capitaux du problème : la rareté du talent ainsi que le coût social de la formation. Partant, cette proposi-tion serait inefficiente. Cet argument est souvent appelé celui du « chi-rurgien qui change les draps des lits de son hôpital » – c’est sous cette forme qu’il est d’abord apparu.
Certes, le talent requis pour devenir chirurgien est sans aucun doute rare et le coût social de cette formation élevé. Il y a donc bien une perte d’efficience à demander au chirurgien qu’il fasse autre chose que des opérations chirurgicales. Cependant, il est également vrai que la plupart des gens possèdent des talents socialement utiles et dont le développement implique un coût social. Une économie effi-ciente utilisera et développera ces talents de telle sorte que le coût so-cial de l’accomplissement des tâches routinières et moins intéressantes dépendra peu de qui les réalise. Il ne s’ensuit donc pas des prémisses
10 Je suivrai ici l’exposé de M. Albert & R. Hahnel, op. cit., 1991, p. 8 sq.
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accordées que le fait pour un chirurgien de changer des draps présente un coût social global prohibitif.
Un autre argument couramment employé contre les ensembles équilibrés de tâches veut que la participation promue par cette procé-dure s’exercera au détriment de l’expertise et de la part prépondérante qui lui revient nécessairement dans la prise de décisions – en particu-lier si les sujets débattus sont complexes. En fait, l’Écopar ne nie au-cunement le rôle de l’expertise. Mais si cette expertise est précieuse pour déterminer les conséquences des choix qui peuvent être faits, elle demeure muette quand il s’agit de déterminer quelles conséquences sont préférées et préférables. Si l’efficience suppose que des experts soient consultés sur la détermination des conséquences prévisibles des choix – en particulier lorsque ceux-ci sont difficiles à déterminer –, elle exige aussi que ceux qui auront à les subir fassent connaître leurs préférences.
DÉCISIONS DÉCENTRALISÉES
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Ce que de tels lieux de travail produiront sera déterminé par les demandes formulées dans des conseils de consommation. Chaque in-dividu, famille ou unité appartient ainsi à un conseil de consommation de quartier ; chacun de ces conseils appartient à son tour à une fédéra-tion parmi d’autres, lesquelles sont réunies en structures de plus en plus englobantes et larges, jusqu’au conseil national.
Le niveau de consommation de chacun sera déterminé par la troi-sième maxime distributive, à savoir le paiement selon l’effort, lequel est évalué par les collègues de travail.
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De même, le mécanisme d’allocation consiste en une planification participative décentralisée. Des conseils de travailleurs et des conseils de consommateurs avancent des propositions et les révisent dans le cadre de ce processus qui a fait l’objet d’un travail considérable de la part des créateurs de l’Écopar, qui ont été jusqu’à en construire un modèle formel. Ils y font notamment usage de procédures itératives, proposent des règles de convergence et montrent comment des outils de communication comme les prix, la mesure du travail ainsi que les informations qualitatives peuvent être utilisés pour parvenir à un plan efficient et démocratique. Albert et Hahnel considèrent en fait que leur « spécification de cette procédure constitue [leur] plus importante contribution au développement d’une conception et d’une pratique économique libertaire et égalitaire. 11 »
Ces propositions ont été reçues, on le devine, diversement. Déci-dons que le moment est venu d’examiner quelques-unes des critiques qui lui ont été adressées.
QUELQUES CRITIQUES & DES RÉPONSES
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Il est remarquable de noter que bon nombre de critiques, suite à la publication des ouvrages de Hahnel et Albert, ont renoncé à arguer qu’une économie libertaire et participative était techniquement impos-sible pour tenter de faire plutôt la preuve qu’une telle économie n’était pas désirable. Parmi les nombreux arguments invoqués, j’en retiendrai ici trois 12.
11 Je suivrai ici l’exposé de cette question offert par Robin Hahnel dans The ABC of Political Economy, à paraître sous ce titre en 1999 chez South End Press, Boston.
12 Je suivrai ici la discussion proposée M. Albert & R. Hahnel, « Socialism As It Was Always Meant To Be », Review of Radical Political Economics, vol. 24, n° 3 & 4, 1992 .
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 21
Selon le premier, l’Écopar fait trop peu de cas de la liberté. Ces critiques reconnaissent que, dans une Écopar, chacun serait libre d’appartenir au conseil de travailleur de son choix, qui l’acceptera, ou de former un conseil avec qui il le souhaite. Mais ils pensent néan-moins que l’Écopar sacrifie par trop la liberté personnelle à des fins moins importantes. Cet argument a reçu une formulation exemplaire chez un économiste socialiste bien connu, Tom Weisskopf, partisan d’un socialisme de marché. Selon lui, ce sur quoi s’opposeraient l’Écopar et son socialisme de marché, tous deux étant réalisables, se-rait au fond d’ordre éthique et philosophique. Le premier modèle permettrait l’atteinte des valeurs préconisées traditionnellement par la gauche (équité, démocratie, solidarité) tandis que le second incorpore-rait des valeurs « libertariennes » plus récemment apparues comme hautement désirables : liberté de choix, vie privée, développement des talents et aptitudes personnelles. Tout en rappelant que l’Écopar in-corpore des structures permettant de préserver la vie privée, qu’il promeut un substantiel concept de liberté individuelle, il me semble qu’on doit convenir de situer le débat là où Weisskopf le place, à sa-voir sur un plan philosophique et éthique : l’Écopar conçoit bien la liberté comme un concept éminemment social et place des contraintes sur la liberté individuelle qui découlent des valeurs qu’elle préconise. Un libertarien y déplorera qu’il est impossible d’y embaucher quel-qu’un, comme il eut déploré qu’on ait mit fin à la possibilité pour un être humain d’en posséder un autre, brimant par là la liberté du pro-priétaire d’esclaves. Mais la difficulté et le problème soulevés par Weisskopf demeurent bien réels et méritent d’être profondément mé-dités et débattus.
Pat Devine a fait valoir que l’Écopar suppose qu’on consacrera un temps beaucoup trop important à des réunions. Cet argument est beaucoup plus facile à contrer. En fait, il suffit de faire remarquer que, dans nos économies, le temps consacré à des réunions (pour l’essentiel par les élites) est déjà tellement considérable que l’Écopar
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 22
ne peut que le diminuer : elle le répartira plus équitablement en assu-rant que chacun prenne part aux décisions qui le concernent.
Un dernier argument veut que l’Écopar ne soit pas en mesure de motiver les acteurs du système de manière adéquate. Il faut bien re-connaître que l’Écopar, qui adopte la maxime distributive d’une ré-munération selon l’effort, exclut d’emblée l’essentiel des incitatifs matériels auxquels nous sommes habitués et cherche à maximiser le potentiel motivateur des incitatifs non matériels. Ceci dit, on peut pen-ser que des tâches conçues par ceux qui les exécutent leur seront plus agréables que des tâches définies par un processus hiérarchique, et que le fait de savoir que chacun contribue équitablement à la produc-tion incitera à accomplir plus volontiers les tâches moins agréables d’un ensemble équilibré de tâches puisque chacun accomplira, mutatis mutandis, une somme similaire de tâches moins agréables. De plus, l’évaluation de l’effort consenti effectuée par les pairs constitue bien un incitatif matériel puisqu’il détermine le niveau de consommation auquel chacun a droit. Mais il reste vrai que l’Écopar valorise des in-citatifs auxquels on n’a jusqu’ici accordé que peu de valeur : le res-pect et l’estime d’autrui, la reconnaissance sociale. Le pari de l’Écopar, raisonnable à mes yeux, est que ceux-là seront plus efficaces encore que la recherche du profit.
PENSER QU’UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE
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Alec Nove, un économiste progressiste américain, formulait, dans les années 1980, la conclusion à laquelle, lui comme bien d’autres était arrivé : « Dans une économie industrielle complexe, les interrela-tions entre ses diverses composantes ne peuvent, par définition, être fondées que sur des contrats librement négociés ou sur un système contraignant d’instructions émanant de bureaux de planification. Il n’y a pas de troisième voie. »
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 23
La première option est, on l’aura deviné, celle du marché ; la se-conde, celle de la planification centrale. C’est ainsi que la reconnais-sance de la faillite de la planification centrale a amené tant de théori-ciens à penser que le marché était désormais la seule institution éco-nomique possible, les progressistes devant se contenter de le socialiser ou d’en corriger les plus criants défauts – par exemple par la propriété publique des entreprises.
On peut soutenir que toute l’ambition de l’Écopar est de montrer qu’il existe bien une troisième voie et que celle-ci est précisément l’avenue que les anarchistes, notamment, ont pressentie. Partant de là, l’Écopar s’efforce de prouver qu’elle est une alternative crédible et pratiquement réalisable, notamment en répondant à ces difficiles ques-tions que ses prédécesseurs laissaient sans réponse : comment par-vient-on à ces décisions qui doivent être prises ? comment des procé-dures démocratiques peuvent-elle générer un plan cohérent et effi-cient ? comment les producteurs sont-ils motivés ? et ainsi de suite…
Il n’est pas certain, bien entendu, que les réponses de l’Écopar à ces questions soient les bonnes, théoriquement, ni qu’elles soient via-bles pratiquement. Mais, au moins, il y a des réponses. Ces réponses soulèvent à leur tour de nombreuses questions et de nombreux enjeux, philosophiques, politiques, sociologiques, anthropologiques. Un des grands mérites de l’imposant travail accompli par Albert et Hahnel est, à mes yeux, de permettre de les poser, souvent d’une manière neuve. Partant, l’Écopar contribue aussi à penser qu’un autre monde est possible, ceci au moment où le fatalisme conformiste ambiant nous présente frauduleusement l’ordre des choses humaines comme étant nécessaire. Enfin, l’Écopar nous aide à préciser ce pour quoi nous lut-tons et à formuler des réponses à la question qu’inévitablement on pose à ceux qui luttent : « Mais en faveur de quoi êtes-vous donc ? »
Ces réponses sont-elles plausibles ? Ici encore, il y a amplement matière à débattre. Cet article aurait accompli ce qu’il ambitionnait de
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 24
réaliser si mon lecteur, ma lectrice, avait à présent envie, sinon de prendre part à ce débat, du moins de s’y intéresser.
NORMAND BAILLARGEON
Enseignant au département des Sciences de l’éducation et au pro-gramme de Maîtrise en muséologie de l’Université du Québec à Mon-tréal (UQAM), Normand Baillargeon est docteur en philosophie et en sciences de l’éducation. Auteur d’une chronique hebdomadaire dans le quotidien Le Devoir, membre du GREM (Groupe de recherche sur l’éducation et les Musées), il a collaboré à divers ouvrages sur l’éducation.
BIBLIOGRAPHIE
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MICHAEL ALBERT & ROBIN HAHNEL, « Socialism As It Was Always Meant To Be », Review
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NORMAND BAILLARGEON, « Michael Albert : l’autre écono-mie », Le Devoir, Montréal, 16 juin 1997, p. B 1. http://www.smartnet.ca/users/vigile/idees/philo/baillargeonMAlbert.html.
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INTERNETOGRAPHIE
Le plus simple est d’aller sur le site internet de Z Magazine, le mensuel animé par Michael Albert : www.zmag.org. On y trouvera
Normand Baillargeon, “Une proposition libertaire: l’économie participative” (1999) 26
une imposante sous-section consacrée à l’économie participative, di-rectement à www.zmag.org/ParEcon/index.htm.
La théorie et les pratiques de l’Écopar y sont abondamment traitées et une quantité impressionnante de liens s’y trouvent, permettant d’en connaître et d’en approfondir (presque) tous les aspects.
Sur ce même site internet, on trouvera de très nombreux forums de discussion dont trois au moins permettent de discuter spécifiquement de l’Écopar : « AskAlbert » d’abord, où l’on peut débattre avec Mi-chael Albert ; « ParEcon » ensuite, où de nombreux intervenants dé-battent de l’Écopar, de ses mérites et de ses défauts ; « DoingPare-con » enfin, où s’échangent réflexions et expériences avec des gens oeuvrant dans des lieux de travail qui implantent certaines (voire en certains cas la plupart) des caractéristiques de l’économie participa-tive.
Fin du texte

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Présenter l'entreprise

21 Décembre 2023 , Rédigé par Recherches en Sociologie et sciences humaines.tn.kh.A Publié dans #Economie

1-1 – PRÉSENTER L'ENTREPRISE (taille, forme juridique, activité)

Qu'est-ce qu'une entreprise?

 Une entreprise est un ensemble d'hommes, de femmes et de moyens de production, rassemblés en un lieu, qui transforment à l'aide de travail des matières premières et des fournitures en produits et services. Les matières premières, les fournitures et le travail sont achetés sur certains marchés, et les produits et services sont vendus sur d'autres marchés.

Comment peut-on classer les entreprises ? • On peut tout d'abord classer les entreprises par leur taille, notamment en fonction de leurs effectifs : les micro-entreprises ou les très petites entreprises ont entre 0 et 9 salariés, les petites entreprises de 10 à 49 salariés, les entreprises moyennes de 50 à 499 salariés, les grandes entreprises plus de 500 salariés. •

On peut aussi classer les entreprises selon leur statut juridique : certaines sont individuelles (c'est-à-dire que leur capital n'appartient qu'à une seule personne), d'autres sont des sociétés (SARL, SA, etc.) et le capital est donc détenu par plusieurs associés. Le capital d'une société anonyme (SA) par exemple (Peugeot, Carrefour, Bœing, Toyota…) est réparti entre des millions d'actionnaires. •

Les entreprises peuvent aussi être différenciées selon l'origine de leurs capitaux : • les entreprises publiques(SNCF, France Télévision…) appartiennent, au moins partiellement, à l'État ; • les entreprises privées proviennent de capitaux privés. •

On peut enfin classer les entreprises selon la taille de leur marché. Certaines exercent leurs activités localement (petit commerce, artisanat, services aux particuliers, professions libérales…). D'autres ont un champ d'action national ou encore international. ● On peut les distinguer suivant leurs activités - les entreprises industrielles, pensez à un atelier, une usine, ou un groupe d'usines (les fermes, les mines, les entreprises de transport et toutes les entreprises qui produisent des produits ou services sont comptées ici, à l'exception des entreprises commerciales et financières) - les entreprises commerciales, pensez à une boutique, un grossiste, ou une grande maison de commerce - les entreprises financières : les banques, assurances, sociétés de gestion d'actifs financiers Sources Les informations sont essentiellement copiées (méa culpa) d'une fiche de cours en Economie gestion tirée du site Assistance scolaire http://www.assistancescolaire.com/eleve/2nde/economie-gestion/reviser-lecours/qu-est-ce-qu-une-entreprise-2_eg05 Les images proviennent de deux livrets du MEDEF (2005-2013) excepté en intro la caricature de Plantu http://www.medef.com/medef-corporate/publications/fiche-detaillee/article/cestquoi-lentreprise.html http://www.medef.com/medef-corporate/publications/fiche-detaillee/article/cestquoi-une-entreprise-un-livret-a-destination-des-collegiens.html Un cours pratique sur le site d'André Cabanes qui a crée un Site La passerlle des Arts avec des nombreux cours en langues, maths et compta. http://www.lapasserelle.com/cours-en-ligne/comptabilite/entreprises/entreprises.html

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Les différents types d’entreprises

21 Décembre 2023 , Rédigé par Recherches en Sociologie et sciences humaines.tn.kh.A Publié dans #Economie

2.1. LES DIVERSES APPROCHES DE L’ENTREPRISE L’entreprise est au cœur du système capitaliste. Elle crée à la fois de l’enrichissement personnel et de la richesse collective à travers l’emploi et la production nationale. Il existe de nombreuses définitions et approches de l’entreprise. Nous en retiendrons trois : une définition d’ordre juridique et deux définitions d’ordre économique. - l’approche juridique : l’approche juridique définit l’entreprise comme : « une "société" c'est-à-dire une fiction légale conférant à une entité économique formée de plusieurs personnes qui mettent en commun des biens, des droits, des capitaux ou des services en vue d'un objet que leurs conventions déterminent ». La société peut avoir un objet civil ou un objet commercial. - L’approche économique classique : cette approche présente l’entreprise d’un point de vue externe et définit l’entreprise comme : «l’agent économique dont la fonction principale est la production de biens et services destinés à être vendus sur un marché. - L’approche sociale ou organisationnelle : cette dernière approche présente l’entreprise d’un point de vue interne et la définit comme : «une organisation mettant en œuvre différents moyens dans le but de produire et commercialiser des biens et des services ». Chacune de ces approches présente une classification particulière à l’entreprise et lui attribue une fonction principale. 2.1.1/ L’approche juridique de l’entreprise Nous pouvons distinguer dans l’approche juridique de l’entreprise deux types de classifications : - une classification des entreprises selon leur objet d’activité. La société peut avoir dans ce cas un objet civil ou un objet commercial. A ce niveau la distinction entre sociétés civiles et commerciales s’avère d’une importance capitale du moment où elle s’effectue par distinction de l’objet de l’activité. 5 - Une classification des entreprises selon les notions de personnalité juridique et de propriété. Cette classification permet de classer les entreprises de l’entreprise individuelle à l’entreprise nationalisée. De façon simplifiée et en ne retenant que le critère de la propriété de capital1 de l’entreprise, on peut répartir les entreprises en trois groupes : A/ Les entreprises du secteur privé : • elles appartiennent soit à une seule personne (entreprise individuelle), soit à plusieurs associés : on parle alors d’entreprises sociétaires. • Dans leur grande majorité les entreprises sociétaires sont des personnes morales2 . Parmi elles, les sociétés commerciales, régies par la loi n° 2000-93 du 3 novembre 2000, sont classées en trois catégories : - les sociétés de personne : Les sociétés de personnes sont soient des sociétés en nom collectif, soient des sociétés en commandite simple, ou tout simplement des sociétés en participation. La société en nom collectif est «constituée entre deux ou plusieurs personnes qui sont responsables personnellement et solidairement du passif social. Elle exerce son activité sous une raison sociale qui se compose du nom de tous les associés ou du nom de l'un ou de quelques-uns d'entre eux suivis des mots ''et compagnie'' ». La société en commandite simple « comprend deux associés au moins et qui sont les commandités lesquels sont tenus, personnellement et solidairement des dettes sociales et de deux associés au moins, les commanditaires, qui ne sont tenus qu'à concurrence de leur apports ». La société en participation «est un contrat par lequel les sociétés déterminent librement leurs droits et obligations réciproques, et fixent leur contributions aux pertes et leurs parts dans les bénéfices et dans l'économie qui pourraient en résulter». 1 Capital (social) : il est constitué des apports en nature et en numéraire. En sont exclus les apports en industrie (savoir-faire). 2 Personne morale : personne fictive dotée de droits et d’obligations, titulaire d’un patrimoine et indépendante de ses créateurs. 6 Remarque : Contrairement à la société en nom collectif et à la société en commandite simple, la société en participation n'a pas la personnalité morale et n'est soumise ni à l'immatriculation ni à aucune forme de publicité. Par conséquent, les tiers n'ont de relation juridique qu'avec l'associé avec lequel ils ont contracté. Les actes, opérations et contrats que conclu chaque associé doivent faire l'objet d'une information de tous les autres associés, dans un délai ne dépassant pas les trois mois à compter de la date de leur conclusion. En cas de cessation d'activité, les associés sont tenus d'élaborer les comptes définitifs de la société et procéder au partage des bénéfices (ou la répartition des pertes) et des biens sociaux. - les sociétés de capitaux : elles comprennent les sociétés en commandite par actions et les sociétés anonymes. La société en commandite par actions est «une société dont le capital est divisé en actions. Elle est constituée par contrat entre deux ou plusieurs commandités et des commanditaires. Les commanditaires ont seuls la qualité d'actionnaires et ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. Le nombre des commanditaires ne peut être inférieur à trois. Les commandités ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ». La société anonyme «est une société par actions dotée de la personnalité morale constituée par sept actionnaires au moins qui ne sont tenus qu'à concurrence de leurs apports. La société anonyme est désignée par une dénomination sociale précédée ou suivie de la forme de la société et du montant du capital social. Cette dénomination doit être différente de celle de toute société préexistante ». - les sociétés hybrides : présentant à la fois les caractéristiques des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux : entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (SUARL), sociétés à responsabilité limitée (SARL) : La société à responsabilité limitée (SARL) «est constituée entre deux ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes que jusqu'à concurrence de leurs apports ». La société à responsabilité limitée peut être constituée par une seule personne physique; dés lors, elle sera dénommée société « unipersonnelle à responsabilité limitée » (SUARL). La dénomination sociale peut comprendre les noms de certains associés ou de l'un d'eux; elle doit être précédée ou suivie immédiatement par la mention « SARL » ou « SUARL » et de l'énonciation du capital social. Le code des sociétés commerciales attribut un montant minimum en dessous duquel la S.A.R.L ne peut être constituée (cinq mille dinars pour les entreprises de presse et dix mille 7 dinars pour les autres). Le capital social est divisé en parts sociales dont le montant ne peut être en dessous de cinq dinars. Par ailleurs, le nombre des associés d'une SARL ne peut dépasser les 50 personnes. Il convient de souligner que la loi impose aux entreprises, suivant l'activité, la soumission à une certaine forme juridique particulière. C'est dans cette optique que les sociétés d'assurance, les banques, les autres institutions financières et les établissements de crédit ne peuvent prendre la forme d'une SARL. Comme pour la société en nom collectif, le gérant peut être désigné parmi des tiers pour un mandat standard de trois ans renouvelables. Le gérant est tenu responsable de la société devant les tiers et les juridictions. Les conventions établies, directement ou indirectement, entre la société et son gérant associés ainsi que celles établies entre la société et l'un de ses associés devra faire l'objet d'un rapport présenté à l'assemblée générale soit par le gérant, soit par le commissaire aux comptes, pour vote. En cas de SUARL la convention conclue doit faire l'objet d'un document joint aux comptes annuels. Les gérants sont responsables individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions légales applicables aux SARL, soit des violations des statuts, soit des fautes de gestion. La nomination d'au moins d'un commissaire aux comptes par l'assemblé générale est obligatoire pour toute SARL ayant un capital social d'au moins 20000 dinars. Par ailleurs, le ministère des finances peut fixer, par arrêté, un montant minimum de revenu, réalisé durant trois exercices comptables, et suivant lequel toute société commerciale est amenée à désigner un commissaire aux comptes. Parallèlement, sur une demande d'associés représentant au moins le dixième du capital social, la nomination d'un commissaire aux comptes doit être exigée. Les commissaires aux comptes sont désignés pour une période de trois ans. Le commissaire aux comptes peut convoquer l'assemblée générale en cas de nécessité survenue dans l'exercice de son métier. L'assemblée générale ordinaire annuelle, ayant pour objet l'approbation des comptes de gestion doit être tenue dans le délai de trois mois à compter de la clôture de l'exercice. Les 8 documents suivants doivent être communiqués aux associés par lettre recommandée avec accusé de réception : - le rapport de gestion; - l'inventaire des biens de la société; - les comptes annuels; - le texte des résolutions proposées; et - le rapport du commissaire aux comptes. L'élaboration de l'inventaire au moins une fois par exercice, du bilan et du rapport de gestion et la convocation de l'assemblée des associés au moins une fois par an sont de la responsabilité des gérants. Tout manquement à ces obligations est passible d’une amende allant de 500 à 5000 dinars. B/ Les entreprises du secteur public : • le secteur public regroupe les seules entreprises publiques contrôlées par l’Etat. Ce sont les entreprises sur lesquelles « l’Etat peut exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété ou de la participation financière, en disposant soit de la majorité du capital, soit de la majorité des voix attachées aux parts émises ». • Néanmoins, les lois de la privatisation3 ainsi que les différentes respirations4 pratiquées par le gouvernement ont modifié considérablement le visage du capitalisme tunisien en réduisant le poids de l’Etat. C/ Les entreprises du secteur coopératif ou social • Il s’agit de coopératives (ouvrières de production, de consommation, agricoles), des mutuelles et des associations. Constituant l’économie sociale, elles ont un poids considérable dans l’économie tunisienne d’aujourd’hui. • L’intérêt d’une classification des entreprises selon le statut juridique est de faire apparaître le degré d’intervention de l’Etat dans une économie en déterminant quelles sont les entreprises qu’il contrôle. 3 Privatisation : transfert au secteur privé d’une entreprise auparavant contrôlée directement par l’Etat, soit par une offre publique de vente (OPV), soit par une cession de gré à gré. 4 Respiration : entrée ou sortie de filiale ou sous-filiales d’entreprises publiques dans le secteur public d’entreprises. 9 2.1.2/ L’approche économique classique de l’entreprise : Selon cette approche l’entreprise a essentiellement une fonction économique. Cette fonction économique est double : - une fonction de production de biens et de services; - une fonction de répartition des richesses (sous forme de salaires, d’impôts, de taxes, de dividendes….). Après avoir détaillé ces deux types de fonctions, nous présenterons la typologie des entreprises ; 2.1.2.1 / La fonction de production de l’entreprise selon l’approche classique : Selon cette approche, l’entreprise est considérée comme une boîte noire dans laquelle seul ce qui entre (input : facteurs de production) et ce qui sort (output : offre) est pris en compte. Cette approche s’est matérialisée par la naissance d’un courant en science économique qui est le courant micro-économique5 L’opération de production se définit par l’opération de transformation par le travail (et le capital) d’un certain nombre des biens et services (input) afin de réaliser un produit fini (output). On appelle entreprise toute institution qui organise cette opération et tire un profit monétaire. Les biens et services qui vont subir cette transformation peuvent êtres classés en deux types : Biens et services primaires qui sont directement extraits de la nature, Biens et services intermédiaires ayant déjà subis une certaine transformation. A fin de simplifier notre terminologie on peut décrire l’opération de production comme suit : il s’agit du processus de combinaison des facteurs de production appelé Inputs qui permet de dégager un produit fini qui est appelé output. 5 « La théorie microéconomique est la science qui étudie comment les ressources rares sont employées pour la satisfaction des besoins des hommes vivant en société, elle s’intéresse, d’une part, aux opérations économiques essentielles qui sont la consommation, la production, et la distribution, et d’autre part aux différentes institutions qui permettent de réaliser ces différentes opérations ». 10 Figure : 1 : Le processus de production6 Biens primaires (terre eau) Facteurs primaires Facteurs de production (Inputs) Services primaires (travail) Biens Intermédiaires (engrais) Combinaison optimale Produit fini (output ) Facteurs intermédiaires Services intermédiaires (Soins vétérinaires) L’apport essentiel de cette approche est de déterminer les conditions dans lesquels le producteur choisit le programme de production en vue de maximiser son profit. Ces conditions se résument dans le choix de la combinaison optimale des facteurs de production qui permet au producteur de maximiser son profit compte tenu de certaines contraintes. Ces conditions sont décrites en tenant compte des deux principes fondamentaux de cette approche : Principe 1: Les agents économiques ont des objectifs qu’ils visent à atteindre tout en respectant certaines contraintes qui limitent leurs choix possibles. Exemple : Un agent économique producteur va pouvoir définir son programme de production (output), sa politique de recrutement qui lui permet de maximiser son profit, compte tenu des prix, des biens et services nécessaires à la fabrication de son produit, du niveau des salaires et de la demande. Tableau 3 : La rationalité des producteurs selon l’approche classique (microéconomique) Agent économique Objectifs Contraintes Production Maximisation du bénéfice - Prix des biens et services nécessaires à la fabrication de son produit - Niveau des salaires - Niveau de la demande 6 La figure prend l’exemple d’un producteur agricole. 11 Cette première conclusion met en relief un premier principe de théorie micro-économique qui est le principe de rationalité, qui suppose que chaque agent économique dispose d’objectifs bien précis qu’il cherchera à atteindre compte tenu de certaines contraintes. Cette rationalité du producteur peut être schématisée comme suit : FIGURE 2 : la rationalité des producteurs selon l’approche classique (micro-économique) Input iens Produit fini (output) Services B Combinaison optimale Principe 2 : La théorie micro-économique ou l’approche classique ne s’interroge pas sur ce qui a déterminé ces objectifs, mais met en relief une méthode qui va permettre leurs réalisation. Il s’agit de l’échange marchand qui constitue le deuxième principe fondamental de la théorie micro-économique. En effet dans la vie, il existe plusieurs méthodes qui permettent aux agents onsidère que les objectifs des agents économiques sont réalisés tisfaits. Ce type de marché correspond u marché de concurrence pure et parfaite (C.P.P). llustration graphique et empirique du principe de l’échange marchand : économiques d’atteindre leurs objectifs (tels que les pratiques illégales ou le vol). La théorie micro-économique c à travers l’échange marchand. Le marché se définit comme le lieu de rencontre entre agents, économiques offreurs (producteurs) et agents économiques consommateurs (demandeurs) et qui conduit à la détermination d’un prix. A ce prix qui et le prix d’équilibre l’échange est volontaire et mutuellement avantageux, puisque à ce prix il y aura égalisation entre l’offre et la demande et tous les agents économiques vont être sa a I ferte Q° et dont le prix est noté P quanti fferte comme suit : ° = f(p+ ) càd Considérons un bien disponible en quantité of Nous notons la té o dp df(p) Q >0 12 FIGURE : 3- Fonction d’offre inverse ° Q° c est ad é une demande notée Qd qui s’exprime en fonction du prix P. Qd = f( p Q A e bien ress p ) càd dp df ( p) Qd p E E = p* Qd Q°, Qd Prix du marché > prix d’équilibre PM > PE Î Qd < Q° Î Excès de marchandise ou surproductionÎ les producteurs doivent baisser leur prix afin d’écouler leur marchandise : P Ì Î Qd Ì Qd = Q° = Q* Î PM = p * • Deuxième cas FIGURE : 7- Retour automatique à l’équilibre : cas de pénurie p Q° Q°> Qd E pE =p* Qd pM Q°Qd =Q* Q°, Qd PM < PE Î Q° < Qd < Qd Î soit situation de pénurie les producteurs vont profiter de cette situation et faire augmenter leur prix PÇ Î Q°Ç Î Qd = Q° = Q*Î PM = p* 14 La théorie micro-économique associe à la concurrence pure et parfaite le caractère anonyme et impersonnel du marché. Au sein d’un marché de concurrence pure et parfaite, l’échange permet de déterminer un prix appelé prix d’équilibre à travers lequel il existe les deux réalisations suivantes : • A ce prix d’équilibre θ =D de manière à ce que toute la demande soit satisfaite et tout le niveau d’offre soit écoulé sur ce marché. • A ce prix d’équilibre l’échange est volontaire et mutuellement avantageux pour tous les agents économiques. Ainsi chaque agent économique consommateur va pouvoir atteindre son objectif de maximisation de la satisfaction et chaque agent économique producteur va pouvoir atteindre l’objectif de maximisation de son profit. Le marché contribue donc à la détermination de l’équilibre qu’aucun agent économique ne peut influencer. Ce prix est considéré comme la résultante du simple mécanisme de fonctionnement d’un marché de concurrence pure et parfaite. 4 hypothèses caractérisent le marché de concurrence pure et parfaite : H1 : Libre circulation de l’information : Sur un marché de concurrence pure et parfaite, tous les agents économiques sont informés sur les prix, la qualité de différents biens offerts, H2 : bien de même qualité : Cette 2ème hypothèse découle de la 1ère hypothèse et signifie que tous les produits seront offerts sous une même qualité, de manière à ce que les agents économiques consommateurs soient indifférents à l’identité de tel ou tel producteur. H3 : atomicité du marché : Le marché de concurrence pure et parfaite suppose un nombre élevé d’agents économiques consommateurs et producteurs H4 : libre entrée et sortie : En concurrence pure et parfaite, chaque agent économique est libre d’adhérer ou de quitter ce marché. 15 2.1.2.2 / La fonction de répartition de l’entreprise selon l’approche classique : Les entreprises créent des richesses en apportant de la valeur ajoutée. Ces richesses sont ensuite réparties dans le circuit économique. L’ensemble de la valeur ajoutée mesure la richesse crée par un secteur ou une entreprise au cours d’une période qui est souvent l’année. La valeur ajoutée représente donc la contribution productive propre à une entreprise. Pour connaître la valeur ajoutée, il faut déduire de la valeur de la production, au prix du marché, les coûts de toutes les consommations intermédiaires évalués aux coûts du marché. La consommation intermédiaire se compose de tous les biens, produits ou services nécessaires à la production et qui ont été achetés en dehors de l’entreprise. Valeur ajoutée = valeur des biens et services produits – valeur des consommations intermédiaires Ces richesses sont ensuite réparties dans le circuit économique comme le montre le tableau 4 suivant : Tableau 4 : la fonction de répartition de l’entreprise Etat Impôts et cotisations Rente Détenteurs de ressources Intérêts Entreprise Salaires Autofinancement Détenteurs de capitaux Dividendes Participations Ménages Comme le montre le circuit économique, la répartition des richesses prend différentes formes : A/ rémunération des facteurs de production utilisés (salaire, amortissement des machines, du matériel et des immeubles) que nous détaillons dans le tableau suivant : 16 Tableau 5 : la rémunération des facteurs de production FACTEURS DE PRODUCTION REMUNERATION DEFINITION Travail Salaire Honoraires Le salaire est le prix payé pour le travail réalisé par les salariés soumis à un lien de subordination à leur employeur. C’est le prix payé pour des prestations fournies par des personnes physiques travaillant sous le statut de profession libérale (ingénieur conseil, avocat, commissaire aux comptes…) Capital intérêt C’est le coût de l’argent prêté à l’entreprise Ressources Naturelles rente C’est le prix payé pour l’exploitation des ressources naturelles (mines, terres agricoles…) B/ répartition de dividendes, de profit : l’objectif principal de l’entreprise privée dans un système capitaliste est de dégager du profit. Ce profit va lui aussi, faire l’objet d’une répartition telle que le montre le tableau suivant : Tableau 6 : la répartition du profit Salaire Rémunération du chef d’entreprise et des dirigeants salariés Participation Supplément versé aux salariés en fonction des résultas de l’entreprise profit Autofinancement Somme non distribuée et qui est soit réinvestie dans l’entreprise soit placée sur le marché financier ou boursier Dividendes Part des résultas reversés aux détenteurs de capital 17 C/ paiement d’impôts et de taxes à l’Etat, aux collectivités territoriales (région, département, commune) qui assurent certains services (enseignement, santé, sécurité) et certaines redistributions à des agents économiques. L’Etat et les collectivités locales et les organismes sociaux sont les principaux agents économiques qui font de la distribution de revenus. Les entreprises contribuent à cette redistribution en payant des impôts (impôts sur les personnes, taxe professionnelle) mais aussi des charges sociales. 2.1.2.3 / La typologie des entreprises La classification ou la typologie des entreprises se fait selon différents critères : ¾ En fonction de leur secteur économique ¾ En fonction de leur activité ¾ En fonction de la branche ou secteur d’activité ¾ En fonction de la taille n Classification selon le secteur économique : Cette première classification, issue des travaux de A.G.Fisher et C. Clark, et reprise par Jean Fourastié distingue : • le secteur primaire concerne la collecte et l'exploitation directe de ressources naturelles (matériaux, énergie, et certains aliments), • le secteur secondaire concerne les industries de transformation (agissant sur une matière), • le secteur tertiaire regroupe les industries de service (essentiellement immatériel : assurances, intermédiation, formation, études et recherche, administration, services à la personne, sécurité, nettoyage, etc.). Cette classification n'est pas rigide, l'agriculture par exemple ayant été à l'origine classée comme du secteur secondaire (le cultivateur transforme des graines en produits consommables, par exemple), par opposition à la chasse et la simple cueillette. 18 o Classification suivant l’activité : Suivant ce critère, on peut distinguer : - L’entreprise artisanale : Elle n'emploie pas plus de dix salariés. - L’entreprise commerciale : Elle achète des biens qu’elle revend sans transformation. - L’entreprise industrielle : Elle transforme les matières premières et vend des produits finis (ou semi-finis), elle appartient au secteur secondaire celui de la transformation - La société de services : Elle revend un travail sans fabrication d’objets physiques. Sa mission consiste à assurer une valeur ajoutée à un produit ou assurer un travail nécessaire à une entreprise. p Classification selon la branche ou secteur d’activité : - Le secteur : Ensemble des entreprises ayant la même activité principale. - La branche : Ensemble d’unités de production fournissant un même produit ou service. En Tunisie, les différents secteurs d’activité se présentent comme suit : Les entreprises industrielles tunisiennes ayant un effectif supérieur ou égal à 10 sont de 5 468 entreprises dont 2 360 sont totalement exportatrices (TE). Tableau 7 : répartition du tissu industriel Tunisien par secteur d’activité (2005) Secteurs TE Total % Agro-alimentaire 121 945 17 Matériaux de Construction, Céramique et Verre 19 428 8 Mécanique et Métallurgique 78 481 9 Electrique, Electronique et Electroménager 153 283 5 Chimie (hors plastiques) 31 249 5 Textile et Habillement 1 656 2 094 38 Bois, Liège et Ameublement 31 205 4 Cuir et Chaussures 178 289 5 Divers 93 494 9 Total 2 360 5 468 100 19 q Classification selon la taille L’effectif est un critère pour distinguer entre les différentes catégories d’entreprises mais il change d’un pays à un autre et d’un secteur à un autre dans un même pays. Généralement, ce critère sert à distinguer les (petites et moyennes entreprises) PMEs des grandes entreprises. La compatibilité nationale définit deux types de sociétés selon le critère taille : Tableau n°8 : Classification des entreprises tunisiennes selon la comptabilité nationale Société non financière Entreprise individuelle Industrie : effectif d’employé supérieur à 10 Commerce et Service : effectif supérieur à 5 Industrie : inférieur à 10 Commerce et service : inférieur à 5 Le tissu industriel Tunisien comprend essentiellement des PME et des micros entreprises c'està-dire des entreprises dont l’effectif peut-être compris entre 1 et 3. EXEMPLE : la commission Européenne a décidé d’harmoniser les critères à l’échelle des pays membres grâce à une recommandation (recommandation du 6 mai 2003 (3002/361/CE - Journal officiel L124 du 20 mai 2003) : - Micro entreprise ou très petite entreprise (TPE) : moins de 10 salariés avec soit un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros par an, soit un total bilan inférieur à 2 millions d'euros. - Petite entreprise (PE) : entre 10 salariés et 49 salariés avec soit un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions d'euros par an, soit un total bilan inférieur à 10 millions d'euros. 20 - Moyenne entreprise (ME) : entre 50 salariés et 249 salariés avec soit un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros par an, soit un total bilan inférieur à 43 millions d'euros. - Grande entreprise : 250 salariés et plus ou à la fois un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 50 millions d'euros par an et un total bilan supérieur ou égal à 43 millions d'euros. - Groupe d'entreprises : comporte une société mère et des filiales - Entreprise étendue (ou en réseau, ou matricielle, ou virtuelle) : comprend une entreprise pilote travaillant avec de nombreuses entreprises partenaires. 2.1.3/ L’approche organisationnelle ou sociale Cette approche se base sur une définition interne de l’entreprise et considère l’entreprise comme un groupement humain. Selon cette approche l’entreprise assure un double rôle social : - d’une part, c’est une cellule de base de la vie en société car l’individu passe un temps considérable de sa vie au travail. Les théories modernes de management prennent d’ailleurs en compte les aspirations et les motivations profondes des salariés pour une véritable gestion des ressources humaines. L’entreprise tend ainsi de concilier ses objectifs de rentabilité avec ceux du « bien-être personnel ». - d’autre part, l’entreprise est investie de missions en participant à la lutte pour de grandes causes sociales (lutte contre l’exclusion, participation à des compagnes d’intérêt national). L’entreprise est citoyenne dans la société. Cette approche présente un dépassement de l’approche classique qui porte sur les deux points suivants: • la prise en compte de l’élément humain : l’élément humain n’a pas été pris en compte dans l’approche classique. Taylor considère uniquement l’homme comme un facteur de production. Pour lui, l’être humain n’a que des besoins et des fonctions économiques : produire, consommer, épargner…Il a fallu attendre les théories de l’organisation (Mayo, Mintzberg, Crosier) pour que l’homme soit reconnu comme une ressource humaine. 21 • La prise en compte d’hypothèses plus réalistes sur la marché : l’approche sociale présente l’entreprise comme une alternative au marché. Ce dépassement du marché s’explique par le caractère peu réaliste des hypothèses de la concurrence pure et parfaite. A travers ce double dépassement l’approche sociale considère que la "main invisible" du marché n'est pas le seul moteur des relations entre agents économiques. Dans la théorie classique, le marché est un espace libre, décentralisé et inconscient. Mais il faut prendre en compte aussi l'entreprise qui est au contraire "une organisation" finalisée et planifiée. Celle ci existe car, dans certains cas, elle constitue une forme de coordination entre agents économiques plus efficaces que le marché. Avec l’approche sociale, la théorie économique a connu un progrès décisif car elle prend en considération ce qui se passe dans la boite noire des unités élémentaires, mais structurés, de décision : ménages, firmes, organisations non marchandes, etc. 2.1.3.1 / L’entreprise comme un groupement humain L’approche sociale définit l’entreprise comme une réponse à l’action collective. Dès qu'un objectif partagé par plusieurs personnes est clairement défini, que le besoin de diviser les tâches et de les agencer se fait ressentir, une structure d'une certaine stabilité peut voir le jour. À l'origine d'une entreprise se trouve donc « l'action organisée » ou collective: la nécessaire coopération entre plusieurs personnes qui cherchent à réaliser, ensemble, quelque chose. Quels éléments doivent être réunis pour qu'il y ait entreprise ? On peut relever cinq caractéristiques essentielles : 1. Un ou des buts Une entreprise a toujours une raison d’être, explicite ou non, partagée par l’ensemble de ses membres ou une partie d’entre eux. C’est par nature une entité finalisée, qui poursuit un ou plusieurs objectifs. 2. Des membres Une entreprise rassemble des membres, que ceux ci aient été à la base de sa fondation c’est à dire les créateurs, ou l’aient intégrée par la suite pour en assurer la bonne marche (les participants). Dès lors, deux types d’objectifs devront être satisfaits lors de la 22 création ou pendant l’existence de l’organisation : ceux de ses fondateurs et ceux de ses participants (logique de fonctionnement). 3. L'existence d'une division des tâches Pour qu’une entreprise fonctionne, les fonctions et les responsabilités doivent être réparties entre les individus engagés dans l’action collective. La division des tâches fonde la différence entre un groupe structuré et celui qui ne l’est pas comme une foule par exemple. 4. la coordination des tâches L’action collective doit être en mesure de voir le jour, les efforts de chacun devant permettre d’atteindre les objectifs assignés par les organisateurs. L'existence d'une hiérarchie ou d'un contrôle social exercé par certains des membres est à prévoir pour ordonner les contributions respectives. Dans certaines entreprises, un règlement codifie clairement la hiérarchie. Dans d'autres, il faut aller découvrir comment les individus choisissent les normes hiérarchiques. Cela implique un système d’autorité, un système de communication, un système de contribution/rétribution (qui précise la participation de chacun et les récompenses à en attendre). Il existe donc des entreprises très structurées alors que d’autres sont beaucoup plus souples et imprécises. 5. Une certaine stabilité Le besoin d’établir des règles, de répartir le travail et d’ordonner la coopération au sein d’un groupe (c’est à dire organiser) ne se fait ressentir qu’à partir du moment où il est envisagé que le groupe jouisse d’une certaine pérennité. La stabilité même relative est une condition de constitution d’une entreprise. A côté de la fonction production et répartition, l’approche sociale a donc développé une nouvelle fonction qui est la fonction « organisation » dans l'entreprise. Cette fonction se définit donc comme étant le processus permettant de créer un structure organisationnelle favorisant la collaboration efficace entre les individus afin d'atteindre les objectifs de l'entreprise. La structure organisationnelle est le réseau de relations formelles établi entre les différents services de l'entreprise 7 . Cette structure est souvent représentée par un organigramme qui est un 7 Autres définitions de la structure : 23 graphique illustrant les réseaux de communication de l'entreprise, la répartition des responsabilités et la structure hiérarchique. Les structures organisationnelles varient grandement selon les objectifs des entreprises, les décisions des gestionnaires concernant la division des tâches, la départementalisation et la délégation de l'autorité. Les tâches peuvent être plus ou moins spécialisées, les emplois peuvent être regroupés en département ou en service selon différents modes et, enfin, l'autorité peut être centralisée ou décentralisée. De plus, une structure organisationnelle n'est pas statique mais dynamique parce qu'elle est fondée sur des stratégies, des orientations et des plans qui sont parfois modifiés pour s'adapter aux conditions changeantes du milieu. 2.1.3.2 / L’entreprise comme une alternative au marché Ronald Coase, américain né en 1910, a écrit en 1937 un article fondateur de l’approche organisationnelle en justifiant l’existence de la nécessité de l’entreprise par l’économie des coûts de transaction. Les coûts de transaction correspondent aux coûts engendrés par le recours au marché. Dans la théorie classique et en tenant compte de l’hypothèse de libre circulation de l’information et du principe de rationalité, la coordination des activités sur le marché est sans coûts. Cependant vu que dans la réalité l’hypothèse de libre circulation de l’information (transparence sur les prix) et le principe de rationalité sont peu vérifiées, le recours au marché s’avère onéreux et engendre des coûts de transaction. Dans ce cas l’entreprise ne va plus confier certaines activités au marché (tels que l’achat de matières premières) mais va plutôt les fabriquer au sein de l’entreprise. La forme d’entreprise développée par cette approche est l’entreprise internalisée c'est-à-dire l’entreprise qui coordonne les activités au sein de l’entreprise et non sur le marché. C’est ce raisonnement qui a été à la base de la présentation de l’entreprise comme une alternative au marché. Les hypothèses peu réalistes de libre circulation de l’information et de rationalité des agents économiques ont été remplacées par celles d’asymétrie d’information et de rationalité limitée : • « La structure est ce qui décrit les rapports des différents services entre eux et les liaisons hiérarchiques existant entre les chefs à différents niveaux »(J. AUBERT-KRIER) : on voit dans ce cas que l'organigramme est un bon reflet de la structure définie de cette manière; • on peut retenir comme cohérente avec la notion même d'organisation, celle de Henry Mintzberg : « la structure est (…) la somme totale des moyens employés pour diviser le travail en tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre les tâches ». • voir aussi l’organisation de l’entreprise 24 - L’asymétrie d’information caractérise l’échange sur les marchés et la transparence reste peu vérifiée. Les producteurs en voulant échanger des produits sur le marché, ne sont pas parfaitement informés sur les prix de vente, les prix des matières premières et la qualité des produits. Ils seront donc victimes du manque d’informations et les producteurs doivent chercher l’information sur le prix pertinent. C’est ce coût de recherche du prix pertinent qui constitue la première source d’existence de coûts de transaction. - La rationalité limitée : l’approche organisationnelle considère que les agents économiques ne sont pas rationnels pour les raisons suivantes : ƒ la faible volonté des agents économiques à chercher et à collecter l’information pertinente, ƒ la capacité limitée des agents à emmagasiner et à traiter l’information pertinente, ƒ le manque d’informations. Il suffit que l’une de ces raisons soit présente pour passer de la rationalité limitée à la rationalité imparfaite. Cette approche considère que la rationalité limitée rend l’échange incertain. Cette incertitude est liée à l’opportunisme des agents économiques. L’opportunisme se définit par la recherche de l’intérêt personnel. Les producteurs doivent donc faire face à l’opportunisme des agents économiques d’une manière ex ante (avant échange) et ex post (après échange). L’incertitude de l’échange sur le marché est donc ex ante et ex post. L’incertitude ex ante se manifeste lorsque un producteur confie une activité à un soustraitant opportuniste. Le sous-traitant fournisseur peut présenter des qualités sur son activité qui sont fausses. Dans ce cas, le producteur choisit un mauvais fournisseur ou doit passer du temps pour trouver le bon fournisseur ce qui engendre des coûts de transaction. 25 L’incertitude ex post fait que le producteur en raison de l’opportunisme ex post du fournisseur se voit livrer un produit non-conforme aux qualités et aux délais attendus. Dans ce cas le producteur subit aussi des coûts de transaction. C’est en raison de l’existence de ces coûts de transaction que le producteur va décider de ne plus recourir au marché et d’intégrer l’activité sous-traitée dans l’entreprise. L’entreprise internalisée devient donc une alternative au marché générateur de coûts. L’efficacité de la grande entreprise internalisée dépend de l’efficacité de ses structures. C’est ce que nous allons détailler au niveau du prochain sous-axe.                                     

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Classification des entreprises Patrick Monassier

21 Décembre 2023 , Rédigé par Recherches en Sociologie et sciences humaines.tn.kh.A Publié dans #Economie

Entreprise : Classification des entreprises Patrick Monassier

Cours Entreprise  Classification des entreprises 

Typologie et statuts juridiques  juridique... 

Les entreprises peuvent être classées selon plusieurs critères :

 Déterminé par leur activité principale) • Secteur primaire (agriculture, sylviculture, pêche, parfois mines) • Secteur secondaire (industrie, bâtiment et travaux publics) • Secteur tertiaire (services) On distingue aussi parfois un secteur quaternaire (recherche, développement et information) Le secteur primaire comprend l'agriculture, la pêche, l'exploitation forestière et l'exploitation minière. On désigne parfois les trois dernières par le terme « autres industries primaires ». Les industries primaires sont liées à l'extraction des ressources de la terre. En 1995, l'agriculture représentait en France 5 % de part de la population active ayant un emploi, contre 40 % en 1913. Le secteur secondaire regroupe les activités liées à la transformation des matières premières issues du secteur primaire (industrie manufacturière, construction) Ce secteur, qui représente environ 20 % en France de la population active, est considéré comme stratégique ; il fournit des emplois d’ingénieur et du travail de recherche et développement à des entreprises du secteur tertiaire. Activités du secteur secondaire : Agroalimentaire, Artisanat, Automobile, Astronautique, Bâtiments et travaux publics (BTP), Construction électrotechnique, Construction ferroviaire, Construction mécanique, Construction navale, Industrie chimique, Industrie pharmaceutique, Industrie spatiale, Électronique, Électroménager, Énergétique, Industrie textile, Industrie papetière, Industrie du bois, Production d'énergie (centrale électrique, gaz) … Entreprise : Classification des entreprises Patrick Monassier  Le secteur tertiaire est défini par exclusion des deux autres secteurs : il regroupe toutes les activités économiques qui ne font pas partie du secteur primaire ou du secteur secondaire. Il s’agit du secteur qui produit des services. Dans les pays développés, c’est de loin le secteur le plus important en nombre d'actifs occupés. On distingue le secteur tertiaire marchand du secteur tertiaire non marchand, ce dernier comprenant la production de services non échangeables comme la justice, la sécurité, etc. Le secteur tertiaire, qui représentait 28 % des emplois en 1913, est passé à 70%. Classification par taille et impact économique Selon la définition de la Commission européenne, les entreprises sont classées comme : • micro-entreprise : Sous-catégorie des TPE définie en France par un chiffre d'affaires inférieur à 76300 euros pour celles réalisant des opérations d'achat-vente et à 27000 euros pour les autres. • très petite entreprise (TPE) : moins de 10 salariés avec soit un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros par an, soit un total bilan inférieur à 2 millions d'euros. • petite entreprise (PE) : entre 10 salariés et 49 salariés avec soit un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions d'euros par an, soit un total bilan inférieur à 10 millions d'euros. • moyenne entreprise (ME) : entre 50 salariés et 249 salariés avec soit un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros par an, soit un total bilan inférieur à 43 millions d'euros. • Grande entreprise : 250 salariés et plus ou à la fois un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 50 millions d'euros par an et un total bilan supérieur ou égal à 43 millions d'euros. • groupe d'entreprises : comporte une société mère et des filiales • entreprise étendue (ou en réseau, ou matricielle, ou virtuelle) : comprend une entreprise pilote travaillant avec de nombreuses entreprises partenaires Classification par branche et secteur d’activité (classification INSEE) • Le secteur : Ensemble des entreprises ayant la même activité principale. • La branche : Ensemble d’unités de production fournissant un même produit ou service. Toute entreprise et chacun de ses établissements se voit attribuer par l'INSEE, lors de son inscription au répertoire SIRENE, un code SIREN. L'Insee attribue aussi un code APE (Activité Principale Exercée) qui caractérise son activité principale par référence à la nomenclature d'activités française (NAF). Plus précisément, on distingue le code APEN pour l'entreprise et le code APET pour les établissements. En France, SIREN (Système d’Identification du Répertoire des ENtreprises) est un code Insee unique qui sert à identifier une entreprise française. Il existe au sein d'un répertoire géré par l'Insee : SIRENE. Le numéro SIREN est attribué aux entreprises françaises lors de leur immatriculation quelle que soit leur forme juridique. Il est national, invariable (composé de neuf chiffre), non significatif et dure le temps de la vie de l'entreprise. Il sert de base pour le numéro d'inscription au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), pour le numéro d'inscription au Répertoire des Métiers (RM) et pour le numéro d'opérateur sur le marché intracommunautaire (TVA). Entreprise : Classification des entreprises Patrick Monassier Cours Entreprise

 Le numéro SIRET correspondant à l'identification d'un établissement d'une entreprise. En effet, une entreprise peut avoir un ou plusieurs établissements (localisations géographiques). SIRENE : « Système Informatisé du REpertoire National des Entreprises et des établissements », dont la gestion a été confiée à l'Insee, enregistre l'état civil de toutes les entreprises et leurs établissements, quelle que soit leur forme juridique et quel que soit leur secteur d'activité. Les entreprises étrangères qui ont une représentation ou une activité en France y sont également répertoriées. L' « Activité Principale Exercée » (APE) est déterminée en fonction de la ventilation des différentes activités de l'entreprise. Comme la valeur ajoutée des différentes branches d'activité est souvent difficile à déterminer à partir des enquêtes statistiques, c'est la ventilation du chiffre d'affaires ou des effectifs selon les branches qui est utilisée comme critère de détermination. L'APE est un renseignement fondamental pour la statistique d'entreprise car il est à la base des classements des entreprises par secteur d'activité. Ainsi, la qualité des études sur la situation économique conjoncturelle et structurelle et celle des fichiers mis à disposition du public dépendent en grande partie de l'attribution d'un code APE correct à chaque entreprise. Plus précisément, on distingue le code APEN pour l'entreprise et le code APET pour les établissements. Tous les détails sont sur le site de l’INSEE : http://www.insee.fr - L’ « Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques » est l'institut national de statistique français. Il est chargé de la production, de l'analyse et de la diffusion des statistiques officielles en France : comptabilité nationale annuelle et trimestrielle, évaluation de la démographie nationale, du taux de chômage, etc. Il est rattaché, en tant que direction générale, au ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi (MINEIE). En tant qu’institut, il dispose d’une indépendance de fait vis-à-vis du Gouvernement, désormais garantie en droit par la loi. NAF rév. 2, 2008 - Niveau 1 - Liste des sections (la nomenclature contient 5 niveaux – détails sur le site de l’INSEE) Code Libellé A Agriculture, sylviculture et pêche B Industries extractives C Industrie manufacturière D Production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné E Production et distribution d'eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution F Construction G Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles H Transports et entreposage I Hébergement et restauration J Information et communication K Activités financières et d'assurance L Activités immobilières M Activités spécialisées, scientifiques et techniques N Activités de services administratifs et de soutien O Administration publique P Enseignement Q Santé humaine et action sociale R Arts, spectacles et activités récréatives S Autres activités de services T Activités des ménages en tant qu'employeurs ; activités indifférenciées des ménages en tant que producteurs de biens et services pour usage propre U Activités extra-territoriales Entreprise : Classification des entreprises Patrick Monassier Cours Entreprise Classification par statut juridique  Les Établissements commerciaux ou industriels • Les administrations centrales correspondant à chacun des ministères avec leurs subdivisions lorsque celles-ci ont une personnalité morale autonome (régiments, lycées, etc.) • Les collectivités territoriales, régions, départements, communes, et les Com, Dom, Rom, (communes, départements et régions d'outre-mer) • Les sociétés civiles immobilières (SCI) et les copropriétés • Les entreprises publiques, gérées par l’État • Les ordres professionnels et les Sociétés civiles professionnelles (SCP) • Les sociétés coopératives, dans lesquelles les associés dirigent (salariés, consommateurs, habitants, bénéficiaires du service...) • Les associations, entreprises privées dont les bénéfices doivent être intégralement réinvestis, • Les sociétés mutuelles Autre classification transversale Une autre forme de classement distingue trois grands types d'entreprises existant dans tous les pays • les entreprises privées à but lucratif (ex : TPE, PME, Grands Groupes), • les entreprises privées à but non lucratif (relevant de l'économie sociale), • les entreprises publiques (ex :SNCF...). Les statuts juridiques en France Le fait d’entreprendre est, dans tous les pays, encadré par une règlementation. La plupart des entreprises fonctionnent donc dans un cadre prédéterminé par la loi : le droit des sociétés. La distinction entre entreprise et établissement est importante : un établissement est une unité de production qui dépend d'une entreprise. L'entreprise personnelle Dans le contexte d'une économie capitaliste, il est possible d'avoir une entreprise à titre personnel : il s'agit alors d'une entreprise individuelle, c'est-à-dire que l'entrepreneur exerce directement et en son propre nom l'activité économique. Cela n'exclut pas l'existence d'un nom commercial mais, d'un point de vue juridique, seule la personne physique qu'est l'entrepreneur s'engage (signature des contrats, naissance des droits et obligations découlant de l'activité directement dans le patrimoine de l'individu). L'exercice d'une activité sous forme d'entreprise individuelle concerne en général les microentreprises. Par exemple, en France, 96.6 % des 3 millions d'entreprises sont des très petites entreprises de 0 à 3 collaborateurs. Aucun capital minimum n'est imposé par la loi. Entreprise : Classification des entreprises Patrick Monassier Cours Entreprise 

Les entreprises personnes morales Il est aussi possible de constituer une personne morale sous forme de société. Celle-ci peut grouper plusieurs participants à son capital et est apte à faire des actes de gestion. Les diverses formes de sociétés varient selon les pays. Il convient alors de distinguer la propriété effective de l’entreprise et le pouvoir d’accomplir des actes de gestion au nom de la société. Selon la forme sociale, le responsable de la marche courante de l’entreprise sera appelé un gérant, Président-directeur général ou Directeur général. Le titulaire de cette fonction peut être détenteur de parts sociales ou d’actions ou être mandaté pour cela par l'assemblée générale des associés. Le droit des sociétés français distingue notamment les statuts de société anonyme (SA), société à responsabilité limitée (SARL), société par actions simplifiée (SAS), société civile (SC) et société en nom collectif (SNC). Le fait qu’une entreprise utilise une forme de société par actions n’implique pas nécessairement que ces titres soient cotés en. Si c'est le cas, des achats en bourse ou des offres publiques peuvent faire changer la majorité de contrôle de l'entreprise, et aboutir aussi au changement de sa direction.

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Ni capitalismo ni socialismo en el Islam

13 Octobre 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #Economie

8 juin 2011

Ni capitalismo ni socialismo en el Islam

Publié par Administrateur à l'adresse 8.6.11

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Libellés : Divers auteurs, Islam

 

Por: Raúl Crespo
13/04/11


El islam, es una palabra que designa la religión y el conjunto de países en la que la religión musulmana es predominante, doble significado para la religión árabe que sin ella no serian el mundo árabe y su histórico aporte cultural para África, Asia Central, Medio Oriente, India, incluso China, pueblos a los que la casa blanca les puso el ojo ávido de petróleo e influencia geopolítica proyectada por la CIA.

La agencia de inteligencia redacto las normas de percepción para ver y juzgar al pueblo árabe menospreciando su ideología, la palabra de Mahoma en el Corán así como al islam, menosprecio toda la cultura musulmana que navega hinchada las velas con los integrismos y los fundamentalismos.

Se tiende a confundir el panarabismo con el islamismo, el panarabismo es parte de todo, el islamismo es una revolución religiosa, intelectual y moral, económica, tecnológica y social, casi comparada a la revolución industrial europea o con las diferencias entre los dos bloques sistemas este y oeste cuando existían, nuevas revolucione en la que la religión se somete al Estado, lo somete y le inspira el verdadero integrismo para enfrentar al imperialismo, el peligro más grande para sunitas como chiitas.

Desde que EEUU tomo la posta imperial después de 1945 no solo se transformo en un país altamente desarrollado e inmensamente rico del mundo sino que practica las violaciones mas dantescas a los derechos humanos, destinado a destruir naciones de las más antiguas de la tierra como Irak e Irán, convertidas en reservas de las culturas más valiosas en una desigual guerra en la región más codiciada del mundo en los últimos 200 siglos, donde consecutivamente se asentaron imperios.

El petróleo de negro color es el que amenaza al islam, civilización que tardo siglos en nacer, crecer y desarrollarse, es destruida en segundos por misiles “inteligentes” lanzados desde aviones F-117-16 o 18. Ningún imperio desde el romano al estadounidense entiende la influencia cultural, así, no llegan a controlar sus tierras interiores solo les interesa controlar Bagdad, Teherán, Trípoli, para decir que la coalición ha triunfado para restablecer la democracia.

Irak e Irán, son mucho más productivos que Siria y Egipto; Bagdad y Teherán, están mejor ubicados que Damasco y El Cairo, para los intereses geopolíticos de EEUU que acompañan al petróleo, además, Ahmadineyad es más peligroso que Chávez, mas fanático que el mismo Kaddafi, más peligroso que el mismo terrorismo porque el mismo lo engendra dicen… y más conflictivo que los Castro, porque, controla el Golfo Pérsico y el estrecho de Ormuz.

Los permanentes conflictos y guerras entre Líbano, Palestina, Siria, Irán, con Israel, Irak-Irán- Libia, Afganistán con EEUU y Europa, son de injerencia estadounidense por intereses geopolíticos contra Irán, en la actualidad, y las dos guerras del golfo confirman la hegemonía de Washington y de la Unión Europea tras la eliminación de la Unión Soviética, con los chinos exclusivamente en la reserva económica mundial, evitan que el mundo árabe pueda formar un bloque capaz de enfrentar económicamente y políticamente a norteamericanos y europeos.

Desde su independencia 1945-1962 el mundo islámico abría campo a una unidad de acción en donde millones de musulmanes rechazaron el capitalismo como el socialismo en su versión occidental, este rechazo se volvió histórico con el integrismo musulmán cuyos ejemplos los dio el mismo Kaddafi, Saddan, Ayatola Khomeini, y la victoria del frente islámico de salvación en Argelia, y hoy con la reelección de Ahmadinejad, confirman el avance fundamentalista porque el avance del capitalismo como del socialismo han demostrado sus límites reales en Libia, Túnez, Egipto, Argelia, Yemen.

“La única alternativa es la solución islámica” decía Abassi Madani, sociólogo y filosofo, quien reconoce como única ley la Sharia islámica “que implica la persecución a los corruptos y a los negligentes, para el retorno a un Estado islámico anterior a la colonización”.

La República islámica de Irán, no cesa en denunciar las corrupciones diabólicas de EEUU, mientras instala la tradición islámica con toda su fuerza de Estado, con un alto contenido económico-social y militar, con alta influencia chiita, divididos con los sunitas por su alianza político-militar con los estadounidenses en Arabia Saudita, Qatar, Emiratos Árabes Unidos, Bahréin, Kuwait, Argelia, Marruecos, y aunque la secta chiita no supere el 25% de la población del islam millones de musulmanes incluidos los sunitas no son insensibles al llamado de la integración cuando sienten el contraste en sus países con la prosperidad de las monarquías y de los gobiernos hereditarios comparados con los de la población.

Las revueltas en estos países son una constante guerra ideológica entre occidente y el islamismo que muestra una enorme complejidad cuando de radicalizar el islamismo se trata, porque, la integración islámica encubre realidades muy complejas por la introducción de la cultura occidental en el mundo musulmán para lograr la re islamización desde Asia Central al Cáucaso y desde Nigeria al Medio Oriente y para superar la adoración del hombre por otro hombre.

“Occidente es un accidente, su cultura es un anomalía, desde hace siglos pretende definirse con la doble herencia grecorromana y judeocristiana” dice Roger Garaudy, en su libro “promesas del islam, la tercer herencia sin la cual no se explica la Europa del renacimiento por lo tanto la Europa de la modernidad”.

Y no solo eso, “el islam es la alternativa al capitalismo y al socialismo” libro escrito en 1981 antes de la perestroika, Garaudy agrega, “lo cierto es que hoy EEUU quiere dejar al mundo musulmán en el Medio Oriente y en el Norte de África, sin historia, sin futuro y sin libertad para escoger otras alternativas” es la tesis de Garaudy en su libro “el espíritu del islam”.

En sus anti memorias Andre Malraux dice, “el siglo XXI será religioso o no será” refiriéndose al islamismo y al poder que ostentan las religiones. Antes de ser derrocado el Sha por el Ayatola en 1979 y mientras conmemoraba los 3000 años de Persia de Ciro el Grande manifestó “cuando las fuerzas religiosas se mesclen con las políticas se vivirían tiempos peligrosos”, es lo que estadounidenses y europeos desean evitar a toda costa sin conseguirlo porque eso mismo esta ocurriendo en algunos países musulmanes, los chiitas luchan encarnizadamente para que el islam no sea violado por la cultura occidental, desigual combate revolucionario, pero, tienen que lograrlo.

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Croce et la critique de l'economie politique

21 Mai 2011 , Rédigé par intelligentsia Publié dans #Economie

Antonio Gramsci : La philosophie de la praxis contre l'historicisme idéaliste L'anti-Croce (cahier 10) (1935)

6. Croce et la critique de l'économie politique

Il faut relever dans l'écrit de Croce sur la baisse tendancielle du taux de profit une erreur fondamentale.1 Ce problème est déjà posé dans le Livre I du Capital, là où l'on parle de la plus-value relative; on observe au même endroit comment se manifeste une contradiction dans ce processus : tandis que le progrès technique permet d'un côté une dilatation de la plus-value, il détermine d'un autre côté, par le changement qu'il introduit dans la composition du capital, la baisse tendancielle du taux de profit; et on le démontre dans le Livre III du Capital. Croce présente comme objection à la théorie exposée dans le Livre III, ce qui est exposé dans le Livre I, c'est-à-dire qu'il pose comme objection à la baisse tendancielle du taux de profit la démonstration de l'existence d'une plus-value relative due au progrès technique, sans jamais toutefois faire allusion au Livre I, comme si l'objection était sortie de son cerveau ou était tout simplement le fruit du bon sens.

En tout cas il faut dire que la question de la loi tendancielle du taux de profit ne peut être étudiée seulement d'après l'exposé fait dans le Livre III ; l'exposé du Livre III est l'aspect contradictoire du développement exposé dans le Livre I et on ne peut pas l'en détacher. De plus, il faudrait peut-être déterminer avec plus de soin le sens de loi « tendancielle » : puisque toute loi, en économie politique, ne peut pas ne pas être tendancielle, étant donné qu'elle s'obtient en isolant un certain nombre d'éléments et en négligeant donc les forces contraires, il faudra sans doute distinguer un degré supérieur ou inférieur de tendancialité; tandis que l'adjectif tendanciel est d'ordinaire sous-entendu comme évident, on y insiste au contraire lorsque la tendancialité devient un caractère organiquement important, comme c'est le cas lorsque la baisse du taux de profit est présentée comme l'aspect contradictoire d'une autre loi, celle de la production de la plus-value relative, lorsque l'une tend à annuler l'autre avec cette prévision que la baisse du taux de profit prévaudra. A quel moment peut-on estimer que la contradiction se nouera comme un nœud gordien, normalement insoluble, et exigera l'intervention d'une épée d'Alexandre ?

Quand toute l'économie mondiale sera devenue capitaliste et aura atteint un certain niveau de développement; quand la « frontière mobile » du monde économique capitaliste aura rejoint ses colonnes d'Hercule. Les forces opposées à la loi tendancielle et qui se résument dans la production d'une plus-value relative toujours plus grande, ont des limites qui sont fixées, par exemple, sur le plan technique par l'extension et la résistance élastique de la matière, et sur le plan social par le taux de tolérance au chômage dans une société donnée. Autrement dit, la contradiction économique devient contradiction politique et se résout politiquement dans un renversement de la praxis.2

Il faut encore remarquer que Croce oublie un élément fondamental de la formation de la valeur et du profit dans son analyse, à savoir le « travail socialement nécessaire » dont la formation ne peut être étudiée et mise en évidence dans une seule usine ou dans une seule entreprise. Le progrès technique donne justement à telle ou telle entreprise particulière la chance moléculaire d'augmenter la productivité du travail au-delà de la moyenne sociale et par suite de réaliser des profits exceptionnels (comme c'est étudié dans le Livre I) ; mais à peine ce progrès s'est-il socialisé que cette position initiale se perd peu à peu et la loi de la moyenne sociale de travail fonctionne et abaisse, à travers la concurrence, les prix et les profits : on a alors une baisse du taux de profit, car la composition organique du capital se révèle défavorable. Les entrepreneurs tentent de prolonger la chance initiale aussi longtemps que possible même au moyen de l'intervention législative : défense des brevets, des secrets industriels, etc. qui cependant ne peut qu'être limitée à quelques aspects du progrès technique, sans doute secondaires, mais qui de toute façon ont un poids non négligeable. Le moyen le plus efficace utilisé par les entrepreneurs isolés pour échapper à la loi de la chute du taux de profit, consiste à introduire sans cesse des modifications nouvelles et progressives dans tous les secteurs du travail et de la production ; sans négliger les apports moins importants du progrès qui, dans les très grandes entreprises et multipliés sur une grande échelle, donnent des résultats très appréciables. On peut étudier l'ensemble des activités industrielles d'Henry Ford de ce point de vue : une lutte continuelle, incessante pour fuir la loi de la baisse du taux de profit, en maintenant une position de supériorité sur les concurrents. Ford a dû sortir du champ strictement industriel de la production pour organiser aussi les transports et la distribution de ses marchandises, en déterminant ainsi une distribution de la masse de plus-value plus favorable à l'industriel producteur.

L'erreur de Croce est multiple : il part du présupposé que tout progrès technique détermine immédiatement, comme tel, une baisse du taux de profit, ce qui est erroné, puisque le Capital affirme seulement que le progrès technique détermine un processus de développement contradictoire, dont un des aspects est la baisse tendancielle. Il affirme tenir compte de toutes les prémisses théoriques de l'économie critique et il oublie la loi du travail socialement nécessaire. Il oublie entièrement la partie de la question traitée dans le Livre I, ce qui lui aurait épargné toute cette série d'erreurs, oubli d'autant plus grave qu'il reconnaît lui-même que la section consacrée à la loi de la chute tendancielle dans le Livre III, est incomplète, seulement esquissée, etc. ; une raison péremptoire pour étudier tout ce que le même auteur avait écrit ailleurs sur ce sujet.

1Cf. CROCE : Materialismo storico ed economia marxista, édition française pp. 237-256.

2 Au sujet de la baisse tendancielle du taux de profit, voir un travail recensé dans Nuovi Studi, 1re année, et dû à un économiste allemand, disciple dissident de Franz Oppenheimer, et un livre plus récent de Grossmann recensé dans Cr it ica s oc iale, par Lucien Laurat. (Note de Gramsci.)

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Antonio Gramsci : La philosophie de la praxis contre l'historicisme idéaliste L'anti-Croce (cahier 10) (1935)

Note. La question du texte du Livre III peut être réétudiée à présent que l'on dispose, comme je le crois, de

l'édition diplomatique de l'ensemble des annotations et des notes qui ont dû servir à sa rédaction définitive. Il ne faut pas exclure qu'aient été négligés, dans l'édition traditionnelle, des passages qui, après les polémiques qui se sont produites, pourraient avoir une importance bien plus grande que ce que pouvait imaginer le premier réorganisateur du matériel fragmentaire [Engels]. Un spécialiste d'économie devrait ensuite reprendre la formule générale de la loi de la baisse tendancielle, fixer le moment où la loi se vérifie et établir de façon critique toute la série des passages qui conduisent tendanciellement à cette loi comme conclusion logique.

Il faut développer la remarque sur le sens que doit avoir le terme « tendanciel » lorsqu'il est rapporté à la loi de la baisse du profit. Il est évident que, dans ce cas, la tendancialité ne peut pas être seulement rapportée aux forces contre- opérantes dans la réalité, toutes les fois qu'on y abstrait quelques éléments isolés, pour construire une hypothèse logique. Puisque la loi est l'aspect contradictoire d'une autre loi : la loi de la plus-value relative qui détermine l'expansion moléculaire du système d'usine, c'est-à-dire le développement même du mode de production capitaliste, il ne peut s'agir de forces contre-opérantes identiques à celles que l'on rencontre dans les hypothèses économiques ordinaires. Dans ce cas, la force contre-opérante est elle-même étudiée organiquement et donne lieu à une loi tout aussi organique que la loi de la baisse du taux de profit. La signification du « tendanciel » parait devoir être de caractère « historique » réel et non méthodologique : le terme sert justement à indiquer le processus dialectique par lequel une impulsion moléculaire progressive conduit à un résultat tendanciellement catastrophique dans l'ensemble social, résultat d'où partent d'autres impulsions singulières progressives dans un processus de continuel dépassement qui pourtant ne peut pas se dérouler à l'infini, même s'il se désagrège en un très grand nombre de phases intermédiaires de dimension et d'importance diverses. Il n'est pas totalement exact, pour la même raison, de dire comme le fait Croce dans la préface à la seconde édition de son livre, que si la loi de la baisse du taux de profit était établie avec exactitude, comme le croyait son auteur, elle « entraînerait ni plus ni moins que la fin automatique et prochaine de la société capitaliste ». Rien d'automatique et donc, à plus forte raison, rien de prochain. Cette déduction de Croce est imputable à l'erreur qui consiste à avoir examiné la loi de la chute du taux de profit en l'isolant du processus dans lequel elle a été conçue et en l'isolant non pas dans le but scientifique d'une meilleure exposition, mais comme si elle était valable « absolument » et non comme terme dialectique d'un processus organique plus vaste. Que grand nombre de gens aient interprété la loi à la manière de Croce, n'exempte pas ce dernier d'une responsabilité scientifique certaine.

De nombreuses affirmations de l'économie critique ont été ainsi « mythifiées » et il n'est pas dit qu'une telle formation de mythes n'ait pas eu une importance pratique immédiate et ne puisse pas encore en avoir une. Mais il s'agit d'un autre aspect de la question, qui a peu de rapport avec la position scientifique du problème et avec la déduction logique : elle pourra être examinée au point de vue de la critique des méthodes politiques et des méthodes de politique culturelle. Il est probable que, de ce point de vue, il faudra montrer que la méthode qui consiste à forcer arbitrairement une thèse scientifique pour en tirer un mythe populaire énergétique et propulsif, est une méthode inepte en dernière analyse, et finalement plus nuisible qu'utile : on pourrait comparer cette méthode à l'usage des stupéfiants qui créent un instant d'exaltation des forces physiques et psychiques mais affaiblissent l'organisme de façon permanente.

(M.S. pp. 211-215 et G.q. 10 (II), § 33, pp. 1278-1280 et § 36, pp. 1281-1284.)

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Antonio Gramsci : La philosophie de la praxis contre l'historicisme idéaliste L'anti-Croce (cahier 10) (1935)

7. Progrès et devenir

S'agit-il de deux choses différentes ou de deux aspects différents d'un même concept ? Le progrès est une idéologie, le devenir, une conception philosophique. Le « progrès » dépend d'une mentalité déterminée, dans la constitution de laquelle entrent certains éléments culturels historiquement déterminés; le « devenir » est un concept philosophique, d'où peut être absent le « progrès ». Dans l'idée de progrès est sous-entendue la possibilité de mesurer quantitativement et qualitativement : plus et mieux. On suppose par conséquent une mesure « fixe » ou fixable, mais cette mesure est donnée par le passé, par une certaine phase du passé, ou par certains aspects mesurables, etc. (non qu'on pense à un système métrique du progrès). Comment est née l'idée de progrès ? Cette naissance représente-t-elle un fait culturel fondamental, important au point de faire époque ? Il semble que oui. La naissance et le développement de l'idée de progrès correspondent à la conscience diffuse que l'on a atteint un certain rapport entre la société et la nature (y compris, dans le concept de nature, celui de hasard et d' « irrationalité ») un rapport tel qu'il permet aux hommes, dans leur ensemble, d'être plus sûrs de leur avenir, de pouvoir concevoir « rationnellement » des plans embrassant l'ensemble de leur vie. Pour combattre l'idée de progrès, Leopardi doit recourir aux éruptions volcaniques, c'est-à-dire à ces phénomènes naturels qui sont encore « irrésistibles » et sans remède. Mais dans le passé, les forces irrésistibles étaient bien plus nombreuses : disettes, épidémies, etc. et, à l'intérieur de certaines limites, elles ont été dominées.

Que le progrès ait été une idéologie démocratique, cela ne fait pas de doute, qu'il ait servi politiquement à la formation des États constitutionnels modernes, etc., de même. Qu'il n'ait plus aujourd'hui la même vogue, c'est vrai aussi ; mais en quel sens ? Non pas au sens où on aurait perdu la foi dans la possibilité de dominer rationnellement la nature et le hasard, mais au sens « démocratique » ; c'est-à-dire que les « porteurs » officiels du progrès sont devenus incapables de conquérir cette domination, parce qu'ils ont suscité des forces actuelles de destruction aussi dangereuses et angoissantes que celles du passé (lesquelles sont désormais oubliées « socialement », sinon par tous les éléments sociaux, - car les paysans continuent à ne pas comprendre le « progrès », c'est-à-dire qu'ils croient être, et sont encore trop le jouet des forces naturelles et du hasard, et qu'ils conservent donc une mentalité « magique », médiévale, « religieuse ») comme les « crises », le chômage, etc. La crise de l'idée de progrès n'est donc pas une crise de l'idée elle-même, mais une crise des porteurs de cette idée, qui sont devenus « nature » à dominer eux aussi. Les assauts livrés à l'idée de progrès, dans ces conditions, sont tout à fait intéressés et tendancieux.

Peut-on distinguer l'idée de progrès de celle de devenir? Il ne semble pas. Elles sont nées ensemble comme politique (en France), comme philosophie (en Allemagne, puis développée en Italie). Dans le « devenir », on a cherché à sauver ce qu'il y a de plus concret dans le « progrès », le mouvement et même le mouvement dialectique (donc également un approfondissement, parce que le progrès est lié à la conception vulgaire de l'évolution).

(M.S., pp. 32-33 et G.q. 10 § 48, pp. 1335-1336.)

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Antonio Gramsci : La philosophie de la praxis contre l'historicisme idéaliste L'anti-Croce (cahier 10) (1935)

8. Qu'est-ce que l'homme ?

C'est la question première, la question principale de la philosophie. Comment peut-on y répondre ? La définition, on peut la trouver dans l'homme lui-même, c'est-à-dire dans chaque individu. Mais est-elle juste ? Dans chaque individu, on peut trouver ce qu'est chaque « individu ». Mais ce qui nous intéresse, ce n'est pas ce qu'est chaque homme particulier, ce qui d'ailleurs signifie ce qu'est chaque homme particulier à chaque instant donné. Si nous y réfléchissons, nous voyons que, en nous posant la question : qu'est-ce que l'homme, nous voulons dire : qu'est-ce que l'homme peut devenir, c'est-à-dire l'homme peut-il dominer son propre destin, peut-il se « faire », se créer une vie. Disons donc que l'homme est un processus et précisément, c'est le processus de ses actes. Si nous y pensons, la même question : qu'est- ce que l'homme ? n'est pas une question « abstraite » et « objective ». Elle est née de ce que nous avons réfléchi sur nous-mêmes et sur les autres, et de ce que nous voulons savoir, en fonction de nos réflexions et de ce que nous avons vu, ce que nous sommes, et ce que nous pouvons devenir, si réellement, et à l'intérieur de quelles limites, nous sommes les « ouvriers de nous-mêmes », de notre vie, de notre destin. Et cela, nous voulons le savoir « aujourd'hui », dans les conditions qui sont données aujourd'hui, de la vie d' « aujourd'hui » et non de n'importe quelle vie, de n'importe quel homme.

Ce qui a fait naître la question, ce qui lui a donné son contenu, ce sont les façons particulières, c'est-à-dire déterminées de considérer la vie et l'homme : la plus importante de ces façons de voir est la « religion » et une religion déterminée, le catholicisme. En réalité, en nous demandant : « Qu'est-ce que l'homme », quelle importance ont sa volonté et son activité concrète, consistant à se créer lui-même et à vivre sa vie ; nous voulons dire : « Le catholicisme est-il une conception exacte de l'homme et de la vie ? En étant catholiques, et en faisant du catholicisme une règle de conduite, est-ce que nous nous trompons ou est-ce que nous sommes dans le vrai ? » Chacun a la vague intuition que, en faisant du catholicisme une règle de conduite, il se trompe, tant il est vrai que personne ne s'attache au catholicisme comme règle de vie, tout en se déclarant catholique. Un catholique intégral, c'est-à-dire qui appliquerait dans chacun des actes de sa vie les normes catholiques, paraîtrait un monstre, ce qui est, quand on y pense, la critique la plus rigoureuse du catholicisme lui-même, et la plus péremptoire.

Les catholiques diront qu'aucune autre conception n'est suivie ponctuellement, et ils ont raison, mais cela ne fait que démontrer qu'il n'existe pas en fait, historiquement, une manière de concevoir et d'agir qui serait la même pour tous les hommes, et rien d'autre; il n'y a là aucune raison favorable au catholicisme, bien que cette manière de penser et d'agir soit organisée depuis des siècles à cette fin, ce qui n'est encore jamais arrivé pour aucune autre religion avec les mêmes moyens, avec le même esprit de système, avec la même continuité et la même centralisation. Du point de vue « philosophique », ce qui ne satisfait pas dans le catholicisme, c'est le fait que, malgré tout, il place la cause du mal dans l'homme même comme individu, c'est-à-dire qu'il conçoit l'homme comme individu bien défini et limité. Toutes les philosophies qui ont existé jusqu'ici reproduisent, peut-on dire, cette position du catholicisme, c'est-à-dire conçoivent l'homme comme un individu limité à son individualité et l'esprit comme cette individualité. C'est sur ce point qu'il faut réformer le concept de l'homme. Il faut concevoir l'homme comme une série de rapports actifs (un processus dans lequel, si l'individualité a la plus grande importance, ce n'est pas toutefois le seul élément à considérer). L'humanité qui se reflète dans chaque individualité est composée de divers éléments : 1º l'individu ; 2º les autres hommes; 3º la nature. Mais les deuxième et troisième éléments ne sont pas aussi simples qu'il peut sembler. L'individu n'entre pas en rapport avec les autres hommes par juxtaposition, mais organiquement, c'est-à-dire dans la mesure où il s'intègre à des organismes qui vont des plus simples aux plus complexes. Ainsi l'homme n'entre pas en rapport avec la nature simplement par le fait qu'il est lui-même nature, mais activement, par le travail et par la technique. Autre chose : ces rapports ne sont pas mécaniques. Ils sont actifs et conscients, c'est-à-dire qu'ils correspondent au degré d'intelligence plus ou moins grand que chaque homme a. Aussi peut-on dire que chacun se change lui-même, se modifie, dans la mesure où il change et modifie tout le complexe des rapports dont il est le centre de liaison. C'est en ce sens que le philosophe réel est, et doit être nécessairement identique au politique, c'est-à-dire de l'homme actif qui modifie le milieu, en entendant par milieu l'ensemble, des rapports auxquels s'intègre chaque homme pris en particulier. Si notre propre individualité est l'ensemble de ces rapports, nous créer une personnalité signifie acquérir la conscience de ces rapports; modifier notre propre personnalité signifie modifier l'ensemble de ces rapports.

Mais ces rapports, comme on l'a dit, ne sont pas simples. Tout d'abord, certains d'entre eux sont nécessaires, d'autres sont volontaires. En outre, en avoir conscience (c'est-à-dire connaître plus ou moins la façon dont on peut les modifier) les modifie déjà. Les rapports nécessaires eux-mêmes, dans la mesure où ils sont connus dans leur nécessité, changent d'aspect et d'importance. En ce sens, la connaissance est pouvoir. Mais le problème est complexe également par un autre aspect : à savoir qu'il ne suffit pas de connaître l'ensemble des rapports en tant qu'ils existent à un moment donné comme un système donné, mais qu'il importe de les connaître génétiquement, c'est-à-dire, dans leur mouvement de formation, puisque tout individu est, non seulement la synthèse des rapports existants, mais aussi l'histoire de ces rapports, c'est-à-dire le résumé de tout le passé. Mais, dira-t-on, ce que chaque individu peut changer est bien peu de chose, si l'on considère ses forces. Ce qui est vrai jusqu'à un certain point. Puisque chaque homme pris en particulier peut s'associer à tous ceux qui veulent le même changement, et, si ce changement est rationnel, chaque homme peut se multiplier par un nombre imposant de fois et obtenir un changement bien plus radical que celui qui, à première vue, peut

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Antonio Gramsci : La philosophie de la praxis contre l'historicisme idéaliste L'anti-Croce (cahier 10) (1935)

sembler possible.

Les sociétés auxquelles un individu peut participer sont très nombreuses, plus qu'il ne paraît. C'est à travers ces « sociétés » que chaque homme particulier fait partie du genre humain. De même, c'est de multiples façons que l'individu entre en rapport avec la nature, car par technique il faut entendre non seulement cet ensemble de notions scientifiques appliquées industriellement, comme on le fait généralement, mais aussi les instruments « mentaux », la connaissance philosophique.

Que l'homme ne puisse se concevoir autrement que comme vivant en société, est un lieu commun, dont toutefois on ne tire pas toutes les conséquences nécessaires même individuelles : qu'une société humaine déterminée présuppose une société déterminée des choses, et que la société humaine ne soit possible que dans la mesure où il existe une

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Economie dans l'islam

27 Avril 2011 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #Economie

capitalisme"

La crise financière et la menace d'une récession mondiale confirment, pour certains théologiens musulmans, la supériorité du système économique basé sur la charia islamique. Celui-ci interdit l'intérêt, mais autorise le bénéfice. Les théologiens estiment que la charia demeure l'alternative au capitalisme.

Réforme radicale
L'actuelle crise montre "la nécessité d'opérer une refonte radicale et structurelle du système financier mondial explique le doyen de la Faculté des Etudes théologiques à l'université de Doha, Hatem Al-Naqrachaoui. "Le système économique basé sur les préceptes de l'islam offrirait une alternative qui réduirait les risques", ajoute-t-il.

"Les banques islamiques n'achètent pas de crédit, mais gèrent des avoirs concrets. Ceci les met à l'abri des difficultés que connaissent actuellement les banques américaines et européennes", se défend Abdel Bassat le directeur général de la
Qatar International Islamic Bank, Al-Chibi.

Distinction
La finance islamique se distingue du capitalisme essentiellement sur deux plans. D'une part, par son refus des prêts à intérêt, assimilés à de l'usure, pratique interdite par l'islam, et de la spéculation. D'autre part, par le partage des risques et des profits entre la banque et le client.


Les banques offrent des produits alternatifs tels que la "Ijara" , une location ou un bail, la "Moucharaka", la participation et la "Mourabaha", le gain partagé. La "Mourabaha" permet ainsi à l'entrepreneur de ne pas contracter de crédit avec taux d'intérêt: la banque achète les produits dont il a besoin, les lui livre et partage avec lui les bénéfices. En l'espace d'une trentaine d'années, le nombre des institutions financières islamiques dans le monde a dépassé les 300, réparties sur plus de 75 pays.

300 milliards de dollars
Le total de leurs actifs dépasse 300 milliards de dollars et augmente en moyenne de 15% par an. Intervenant lors d'une récente conférence à Doha, l'influent théologien qatari Youssef Al-Qardaoui a lui aussi vanté les mérites du système islamique. "L'effondrement du système capitaliste fondé sur l'usure et sur le papier, et non sur l'échange de marchandises sur le marché, est la preuve qu'il est en crise et démontre que la philosophie économique islamique se tient", a-t-il affirmé.

Le pétrole est islamique
"Toute la richesse est la nôtre (...) tout le pétrole ou presque a la nationalité islamique et nous avons une philosophie économique que personne d'autre n'a", a-t-il ajouté dans une référence au fait que les pays islamiques, au premier rang des quels l'Arabie saoudite, détiennent une grande partie des réserves prouvées de pétrole dans le monde.

Abondant dans le même sens, un dignitaire saoudien, Souleiman Al-Aoudah, a prôné la tenue d'"un sommet islamique international pour définir le cadre et les étapes d'une alternative économique islamique".

Un mécanisme solide, mais pas encore opérationnel
Certains islamistes admettent toutefois que cette alternative n'est pas immédiatement opérationnelle. "Théoriquement, le système économique islamique offre un mécanisme complémentaire et solide (...), mais dans la pratique, l'expérience bancaire islamique n'est pas encore mûre, car elle offre des produits limités comme la "Mourabaha", a ajouté M. Aoudah, un islamiste modéré.

Pas "une baguette magique"
Sa prudence est partagée par l'intellectuel islamiste égyptien Fahmi Houaidy, pour lequel le système islamique "pourrait apporter des solutions à certains problèmes bancaires, mais ne pourrait pas constituer une baguette magique" pour venir à bout de la débâcle financière qui secoue le monde. (afp/7sur7)

16/10/08 15h36

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