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LE CHANGEMENT SOCIAL

7 Mai 2016 , Rédigé par intelligentsia.tn Publié dans #sociologie

LE CHANGEMENT SOCIAL

Les bouleversements liés à la révolution industrielle font naître des réflexions nouvelles sur le devenir des sociétés qui jusqu’alors étaient relativement stables.

L’industrie bouleverse les relations sociales, une société nouvelle se dessine.

Les changements et la volonté de les comprendre donneront naissance à une science humaine nouvelle : la sociologie. Au départ conçue comme une branche dérivée de la philosophie, la sociologie se forge progressivement ses concepts, ses courants et acquiert son autonomie en tant que sciences humaines.

Les pères fondateurs de la sociologie (COMTE, de TOCQUEVILLE, MARX, DURKHEIM, WEBER) partagent le projet de comprendre les mutations que connaît la société de leur époque et d’essayer de prévoir ce que sera la société industrielle qui naît et s ‘épanouit au XIXème.

Aujourd’hui les sociologues sont à nouveau confronter à des transformations qui les interpellent, le déclin de l’industrie, du travail en tant qu’élément intégrateur, les mutations technologiques, font penser que l’on s’éloigne de la société industrielle. Les premiers les sociologues ont parlé de société post industrielle (D. BELL) de société programmée (A. TOURRAINE).

1 – De la société traditionnelle à la société industrielle

Les pères fondateurs de la sociologie ont bien sur chercher à comprendre les mutations les mutations de la société, mais leur projet est plus ambitieux. Pour DURKHEIM (1858-1917) et WEBER (1864-1920), il s’agit de définir les méthodes et l’objet d’une nouvelle science.

11 – Le changement social : caractéristique des sociétés industrielles

111- Qcq le changement social ?

Pour puisse parler de changement social, il faut que la transformation sociale soit :

  • Repérable dans le temps
  • Qu’elle concerne l’ensemble du système social
  • Qu’elle ait des conséquences durables.

Le changement social est bien un changement de société, plus qu’un changement dans la société.

Les sociétés préindustrielles ne sont pas totalement figées, nous l’avons vu, des innovations se produisent mais à l’échelle humaine les conséquences économiques et sociales sont toutefois peu perceptibles. Il apparaît donc difficile de parler de changement social. Avec la révolution industrielle, les bouleversements s’accélèrent et les conséquences deviennent visibles, voire inquiétantes. C’est une préoccupation nouvelle pour les sciences humaines.

112 – Le passage de la société traditionnelle à la société industrielle

La datation du passage n’est pas chose aisée, car tous les éléments du système social ne se transforment pas en même temps.

On continue de privilégier l’aspect économique pour dater la naissance de la société industrielle. En partant de l’idée qu’une croissance prolongée est impossible sans changement de structure.

Les données chiffrées permettent de situer l’entrée dans la société industrielle autour de 1830, quand le rythme de croissance s’accélérant engendre la partition du monde entre pays développés (industrialisés) et pays en développement que nous connaissons aujourd’hui (se référer au graphique de P. Bairoch montrant l’évolution à long terme du PIB des deux zones).

Mais situer l’acte de naissance de la société industrielle, n’est pas non plus indépendant de la définition qu’on en donne, ni du domaine privilégié pour l’étudier.

Ainsi selon les pères fondateurs, la caractéristique de la société industrielle mise en évidence n’est pas la même.

  • Pour WEBER (1868-1920) : c’est l’extension de la rationalité capitaliste et de la mentalité protestante.
  • Pour DURKHEIM (1858-1917) : c’est l’extension de la division du travail et du changement du type de solidarité qu’elle induit.
  • Pour de TOCQUEVILLE (1805-1859) : c’est la tendance irréversible à l’égalisation des conditions.
  • Pour MARX (1818-1883) c’est l’apparition d’un nouveau conflit de classes opposant bourgeoisie et prolétariat.

Divergences et convergences entre les principaux sociologues sont présentées dans le tableau ci-dessous :

Culture, valeurs

Individualisme, liberté, égalité (TOCQUEVILLE, DURKHEIM)

Rationalité (WEBER)

Domination et aliénation (MARX)

Structures sociales

Division sociale du travail (DURKHEIM)

Société de masse (TOCQUEVILLE, DURKHEIM)

Société de classes (WEBER, MARX)

Principe intégrateur

Solidarité organique (DURKHEIM)

Religion, démocratie (TOCQUEVILLE)

Ethique de la profession (WEBER)

Organisation des travailleurs (MARX)

Facteur de désintégration

Anomie et absence de corps intermédiaire (DURKHEIM)

Egalitarisme (TOCQUEVILLE)

Bureaucratisation (WEBER)

Aliénation et lutte des classes (MARX)

Malgré les divergences des diverses approches de la société industrielle, il est incontestable qu’il existe un élément de convergence dans l’importance accordée à l’activité professionnelle comme facteur d’intégration sociale.

On peut dire que la société industrielle est la société dans laquelle le travail est devenu le centre de la vie sociale, et en particulier le travail industriel.

L’importance du travail industriel peut être mesurée par la part de la population active travaillant dans le secondaire et par celle du temps consacré au travail dans le budget temps des ménages. La diminution du temps de travail fut une revendication essentielle du mouvement ouvrier dès sa naissance. Ce n’est que très progressivement que le temps de travail se réduisit en France : repos hebdomadaire obligatoire en 1906, journée de huit heures en 1919, semaine de 40 heures et congé payé de 15 jours en 1936…

113 – Les principaux facteurs explicatifs du changement social

1131 – Le facteur démographique

  • Selon Emile DURKHEIM, l’augmentation de la densité démographique provoque le passage de la solidarité mécanique des sociétés traditionnelles à la solidarité organique des sociétés industrielles. Celle-ci, en intensifiant les relations sociales (densité morale), accentue la compétition. La spécialisation est alors un moyen de reconstituer la cohésion sociale, grâce à la coopération qu’elle implique. On parle à propos de la sociologie de Durkheim de " darwinisme social " : l’augmentation de l’espèce pousse à la différenciation, à la spécialisation des organes pour survivre.
  • De même en s’opposant à la thèse de MALTHUS, la danoise Ester BOSERUP (Evolution agraire et pression créatrice, 1965) a montré que la pression démographique (pression créatrice) avait pu entraîner le raccourcissement de la jachère provoquant ainsi une innovation technique et une augmentation de la productivité agricole et, par-là, un changement social profond.

1132 – Le facteur technique

  • De nombreux auteurs font du progrès technique un facteur essentiel du changement social. Ainsi MARX symbolise-t-il le passage de la société féodale à la société capitaliste par le remplacement des moulins à vent ou à eau comme force motrice principale par la machine à vapeur.
  • Cependant, l’historien Fernand BRAUDEL a montré que l’innovation technique est une condition nécessaire mais rarement suffisante, s’il n’existe pas de conditions économiques favorables. Ainsi l’existence d’une forte demande a permis aux formes proto industrielles (tisserands ou fileurs à domicile) de coexister avec des procédés industriels plus performants (usines de tissage et de filature) pendant une bonne partie du XIXème.

1133 – Les valeurs culturelles

Le contexte culturel est déterminant dans la diffusion des innovations.

La thèse soutenue par Max WEBER dans " l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme " est considérée comme un modèle du genre. Même si aujourd’hui elle fait l’objet de nombreuses critiques, en particulier celle concernant la position sociale des protestants entrepreneurs. Ce sont la plus part du temps des immigrés qui disposent d’une liberté d’action dans les rapports sociaux qui caractérisent les agents favorables au changement social.

On peut en conclure que les rapports de pouvoirs ne sont pas étrangers au changement social. Certains groupes ont plus d’intérêt que d’autres à ce qu’il ait lieu.

1134 – Les conflits sociaux

Dans la perspective marxiste, l’avènement de la société industrielle est la conséquence du conflit qui oppose bourgeoisie marchande à l’aristocratie terrienne, victoire de l’élite moderniste sur l’élite conservatrice. La faiblesse numérique de cette élite moderniste expliquerait l’absence de changement social en Chine ou dans le monde islamique.

Cependant, comme ce fut le cas au Japon, en Russie voire en Prusse, lorsque cela renforce son pouvoir la classe dirigeante conservatrice peut très bien jouer la carte du changement. Le conflit est alors inexistant comme facteur de changement social.

12 – Les débats théoriques : facteurs dominants, rôles des acteurs.

121 – Les facteurs prédominants : matérialisme contre culturalisme.

1211 – L’approche matérialiste (ex : Marxisme)

Les transformations de la vie matérielle des hommes, provoquées par des progrès techniques, induisent, lorsqu’elles sont suffisamment fortes, un changement social.

On a ainsi la séquence suivante :

Technique entraîne Economie entraîne Social entraîne Culture

(Production) (Stratification) (Valeurs et idéologies)

1212 – L’approche culturaliste (ex : Weber)

L’approche est inversée :

Culture entraîne Social entraîne Economie entraîne Technique

Pour Weber dans " L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme " :

Réforme (enrichissement plait à Dieu) entraîne Bourgeoisie entrepreneuriale entraîne Accumulation capitaliste entraîne Innovation technique

1213 – L’approche fonctionnaliste dépasse l’opposition matérialisme /culturalisme

Le fonctionnalisme (T. PARSONS (1902-1980), SMELSER, R.MERTON) est une théorie anthropologique et sociologique selon laquelle la société forme un tout intégré où chaque élément a une fonction utile dans le dispositif d’ensemble (ex : famille socialisation de ses membres (fonction manifeste), mais aussi production (fonction latente)). Chaque élément doit être ramené à la totalité à laquelle il appartient, ainsi tout individu peut appartenir à la fois à différents éléments du dispositif d’ensemble et y jouer un rôle différent (on peut être patron d’entreprise, père de famille, électeur, joueur de football….), la diversité des fonctions et des rôles introduit la possibilité de penser le changement, les conflits, les crises ou les contradictions au sein de la théorie fonctionnaliste.

Les fonctionnalistes mettent l’accent sur les forces qui à l’intérieur d’un système social lui permettent de s’autoréguler. Mais l’autorégulation ne signifie pas immobilisme pour durer un système social doit être capable de changement et de modernisation.

Les facteurs du changement peuvent être culturels comme matériels. Ainsi SMELSER montre que la rupture technique de la société industrielle va de paire avec des changements culturels permettant d’adopter les changements techniques.

Certaines analyses contemporaines envisagent le changement social sous la forme d’un système dans lequel les facteurs interagissent les uns sur les autres. Elles sont dites systémiques. Henri Mendras et Michel Forsé propose le schéma systémique suivant dans " Le changement social "(Colin, 1983).

Causalité

CULTUREL (dominant) ECONOMIQUE , SOCIAL, TECHNIQUE sont en interaction

  • Le culturel est dominant mais non déterminant

Fonctionnement

STRATEGIES agissent sur SYSTEME LOCAL agît sur ENVIRONNEMENT GLOBAL qui rétroagît sur STRATEGIES

  • Autonomie du local (capacité stratégique, il peut faire des choix)
  • Les changements micro sociaux sont à la base du système et produisent les changements globaux.

122 – Le rôle des acteurs

Le grand débat sur la " liberté " des acteurs prend naissance à la fin du XIXème quand Durkheim et Weber tentent de jeter les bases de la sociologie. L’un et l’autre proposent des approches des phénomènes sociaux qui rompent avec les explications biologiques jusque là dominantes.

Cependant ces deux auteurs s’opposent sur l’autonomie des individus par rapport au social.

DURKHEIM est le tenant d’une sociologie du fait social ou holiste, alors que WEBER défend une approche actionniste à la base de ce que l’on appelle aujourd’hui " l’individualisme méthodologique ".

DURKHEIM est le sociologue du conçu, alors que WEBER est le sociologue du vécu.

1221 – DURKHEIM : la position holiste

DURKHEIM privilégie l’extériorité du fait social qui s’impose à l’individu du fait de l’unité culturelle de la société.

Pour DURKHEIM le fait social se caractérise :

  • Par son extériorité par rapport au phénomène individuel
  • Par la contrainte exercée par la société sur l’individu
  • Par la permanence dans le temps (la régularité sociale).

Pour qualifier la sociologie de DURKHEIM on parle de holisme : c’est à dire une théorie d’après laquelle le fonctionnement de la société détermine l’action des individus.

1222 – Max WEBER : actionnisme et individualisme méthodologique.

Pour WEBER la société n’a pas d’homogénéité culturelle que lui prête Durkheim. La société moderne se caractérise au contraire par le pluralisme des valeurs et des conflits de valeurs.

Durkheim parle d’objectivité du fait social, WEBER prend en compte la subjectivité des acteurs qui détermine leur action, d’où le terme d’actionnisme pour qualifier cette position théorique qui fonde le postulat de l’individualisme méthodologique. C’est à dire que la réalité sociale n’est intelligible qu’en partant du point de vue des acteurs individuels qui disposent d’une certaine marge de liberté, et dont les comportements sont, dans une certaine mesure, rationnels.

1223 – Une opposition à nuancer.

  • Les représentations que WEBER et DURKHEIM ont de la réalité sociale divergent, mais leur épistémologie (étude critique de la science, de sa logique, de sa valeur et de sa portée) est assez semblable. L’une et l’autre s’efforcent de trouver derrière la diversité des phénomènes sociaux des réalités qui puisent en rendre compte.
  • Dans " Les règles de la méthode sociologique " (1895) Durkheim appelle ces réalités que le sociologue doit s’efforcer de reconstruire intellectuellement " les formes élémentaires " (par exemple " Les formes élémentaires de la vie religieuse ", 1912).
  • Dans " Essai sur la théorie de la science " (1922) WEBER les nomme " les motifs de l’action ".

Tous les deux veulent " objectiver " la réalité sociale pour la rendre intelligible.

  • Cette position épistémologique les conduit à se méfier de ce que DURKHEIM appelle les " prénotions ", et WEBER " les termes imprécis ", et à insister sur l’importance de définir les concepts avant de les expliquer.
  • L’étude du suicide chez DURKHEIM lui permet de démontrer que derrière un phénomène psychologique se cachent des déterminants sociaux.

Intégration sociale

Conscience collective

Règles

Suicide égoïste

Faible

Faible

Suicide altruiste

Forte

Forte

Suicide anomique

Faible

Absence

Suicide fataliste

Forte

Excès

  • Chez WEBER, l’étude du capitalisme lui permet de montrer qu’une mentalité économique peut être le résultat non voulu des croyances religieuses.

En résumé, sur les débats théoriques retenons :

OUI

NON

Y A T IL UN FACTEUR DOMINANT ?

MATERIALISME (MARX)

CULTURALISME (WEBER)

FONCTIONNALISME (PARSONS)

ANALYSE SYSTEMIQUE (MENDRAS)

LES ACTEURS SONT-ILS LIBRES ?

INDIVIDUALISME METHODOLOGIQUE, ACTIONNISME (WEBER)

HOLISME (MARX, DURKHEIM)

13 – la question de la méthode sociologique : comment analyser les faits sociaux ?

131 – La méthode comparative de DURKHEIM

  • Pour DURKHEIM, les faits sociaux " doivent être considérés comme des choses ". Ceci découle d’une double extériorité :
    • Du fait social par rapport à l’individu (conception holiste)
    • Du chercheur par rapport au fait social

Le sociologue doit donc s’efforcer d’étudier le social avec la même distanciation que le physicien qui observe les phénomènes physiques, c’est à dire sans jugement de valeur.

  • " Un fait social ne peut être expliqué que par un autre fait social " selon DURKHEIM. La méthode pour déterminer la relation constante (la loi) qui relie deux faits consiste à étudier les conséquences de la variation d’une variable explicative sur celle qu’on cherche à expliquer selon une séquence logique.

Si D X entraîne D Y alors Y = f(X)

L’exemple de la criminalité plus forte en Sicile l’été que l’hiver. Pour Durkheim l’explication n’est pas climatique, mais social, c’est la densité des relations sociales plus fortes l’été que l’hiver qui multiplie les contacts et donc les risques de conflits et d’actes violents. Un fait social, la hausse de la criminalité, est expliqué par un autre fait social l’augmentation de la densité sociale.

  • Dans la pratique cette méthode comparative, consiste à étudier les corrélations statistiques entre les variables. Cependant corrélations n’est pas causalité. La corrélation donne une validité externe à une relation, c’est l’explication qui lui donne une validité interne.

Dans " La division du travail social "(1893), DURKHEIM remarque une corrélation entre l’extension de la division du travail et l’extension du droit restitutif. Le lien causal est le suivant la modification du lien social est provoquée par l’extension de la division du travail, dont le droit restitutif est un indicateur.

Le droit restitutif correspond à une solidarité organique reposant sur des valeurs coopératives. La sanction est de réparer le dommage subi par compensation, souvent matérielle(indemnisation de la victime). Elle repose sur la raison plus que sur l’émotion. En accroissant le nombre des relations sociales, la division du travail fait prendre conscience à chacun de sa dépendance à l’égard de l’ensemble. Elle développe des contraintes, de nouvelles formes d’altruisme sans lesquelles il ne peut y avoir de vie sociale. La solidarité n’est donc pas moins forte, mais plus consciente que dans les sociétés traditionnelles. Elle correspond à une société où l’individu est devenu une réalité sociale.

  • DURKHEIM n’exclut pas des explications " psychologiques " ou en termes de finalité a priori, mais il donne la priorité au déterminisme causal sur les autres méthodes (contrairement à WEBER)

132 – La méthode compréhensive de Max WEBER.

  • La définition que donne WEBER d’un phénomène social, qu’il nomme idéal type, est une construction qui suppose de la part du chercheur de privilégier un certain point de vue, un certain rapport aux valeurs. Par exemple, le protestant est rationnel par rapport à ses croyances, mais irrationnel dans une perspective utilitariste, puisqu’il prend un maximum de peine pour un minimum de plaisir. L’idéal type est donc une synthèse des caractères particuliers dont le sociologue doit se servir pour comprendre les actions humaines mais l’idéal type n’a pas vocation à épuiser le réel.

La notion de type idéal est propre à la sociologie de Max WEBER. Le type idéal est intermédiaire entre un concept théorique et une catégorie historique ou géographique : il s’agit d’un effort pour dégager dans une situation historique ou géographique donnée ce qui est à la fois essentiel, compréhensible (" idéal ") et singulier (" typique "). Raymond Aron parle d’une " reconstruction stylisée " de la réalité.

Par exemple dans l’analyse des sources de la légitimité WEBER distingue trois idéaux type :

Idéal type de légitimité

Fondement de la légitimité

exemple

Traditionnelle

Le caractère sacré de la tradition, le poids des coutumes

Le roi sous l’Ancien Régime

Charismatique

La personnalité exceptionnelle du chef. Il parvient par son charisme à susciter, entraîner et maîtriser des réactions émotionnelles

Le prophète, le tribun

Rationnelle Légale

L’autorité impersonnelle de la loi : on se soumet au gendarme pc qu’il représente la légalité, et non en raison de sa personnalité propre

Le président élu au suffrage universel.

Ainsi la légitimité rationnelle légale est typique des démocraties modernes, mais le président peut avoir de par son rôle dans l’histoire du pays et sa personnalité une légitimité charismatique (ex : Le général De Gaulle lorsqu’il devient chef de l’état en 58).

  • WEBER refuse donc (contrairement à DURKHEIM) d’appliquer aux sciences de la culture la démarche empiriste des sciences de la nature. Pour lui un phénomène social est toujours la conséquence d’actions individuelles. Pour l’expliquer, il est nécessaire de comprendre le sens que l’acteur a donné à son action, de se mettre à la place de l’acteur en cherchant la finalité visée par lui.

En plaçant au centre sa théorie la notion d’acteur ou d’action, Weber réintroduit la liberté du sujet dans l’analyse sociologique.

Ce postulat a pour conséquence qu’une même configuration historique n’aboutit pas forcément aux mêmes conséquences, et que réciproquement, qu’un même résultat peut être produit par des actions motivées par des fins très différentes. Cela découle du fait qu’un individu ne perçoit pas une situation sociale de la même façon selon les connaissances dont il dispose. Ainsi en examinant les logiques de l’action, Max WEBER se fait le défenseur d’un pluralisme causal que rejette DURKHEIM.

  • On parle de sociologie compréhensive, Max WEBER privilégie pour établir une relation causale, l’étude des écrits d’époque, les enquêtes sur le terrain plutôt que les corrélations statistiques sans pourtant les rejeter totalement.

En résumé, les principes de l’individualisme méthodologique donc WEBER est le fondateur peuvent être énoncé comme suit :

  1. On explique un phénomène en le situant au niveau du système
  2. Les phénomènes sont considérés comme la résultante des comportements des agents
  3. Les phénomènes globaux observés ne résultent pas directement de la volonté des agents, mais des " effets d’agrégation " ou " de composition " de leur décision qui conduisent à des résultats inattendus parfois contraire aux décisions des agents (effets pervers)
  4. Le comportement des acteurs relève d’une rationalité limitée (imitation, influence des notables…)

2 – De la société industrielle à la société postindustrielle

Jusqu’aux années 70, la " sociologie du système " l’emporte sur la sociologie de l’acteur. Le retour au premier plan du paradigme actionniste doit être replacé dans le contexte du déclin de la société industrielle, qui s’accompagne d’une distance de plus en plus grande entre l’acteur et le système.

21 – Les mutations de la société

211 – Vers la société industrielle

  • La sociologie classique nous décrit la société industrielle comme un tout fonctionnel intégré par un Etat Nation et une culture industrielle. Le marxisme a une approche plus dynamique des rapports sociaux mais il met en évidence les même valeurs de progrès et de raison, sans remettre en cause la logique productiviste du système. Les mouvements de contestations des années 60 (mai 68 en France) détruisent ce consensus entre les sociologues et pour certains marquent l’entrée dans la société post industrielle.

Ainsi en 1990, le travail n’occupe plus en moyenne que 14 % du temps éveillé des individus contre 42 % en 1900.

  • La société postindustrielle peut donc être définie comme une société dans laquelle le loisir ou la consommation ont supplanté le travail comme facteur principal de structuration de la vie sociale.

212 – Les analyses de la société postindustrielle.

2121 – La société postindustrielle d’après Daniel BELL

L’expression de société postindustrielle a été définie pour la première fois par Daniel BELL en 1967 dans son ouvrage " Vers la société postindustrielle ".

Dans son livre D. BELL met en évidence la contradiction culturelle existant entre une sphère économique soumise aux valeurs de rationalité et d’efficacité et une sphère culturelle valorisant la réalisation de soi.

La société postindustrielle est marquée par l’avènement des classes moyennes salariés et diplômées qui prennent le contrôle des services (santé, éducation, culture…) nécessaires au développement de ce type de société.

Aux valeurs matérialistes de la société industrielle, élévation du niveau de vie, efficacité, se substituent la défense de la nature, l’épanouissement personnel, l’accès au savoir…

Plus généralement, la modernité se caractérise par la séparation des ordres économique, politique, social et culturel.

2122 – La société " programmée " selon Alain TOURAINE

Dans son ouvrage " La société postindustrielle "(1969) TOURAINE considère cette mutation comme un véritable changement social. Il étudie le rapport que cette société " programmée " entretient avec sa propre créativité, c’est à dire sa capacité à se produire elle-même.

  • Dans la société traditionnelle ou industrielle le changement social est perçu comme extérieur. Au contraire dans la société " programmée ", il est clairement perçu comme résultant de l’action de la société sur elle-même. Il n’y a donc plus ce que TOURAINE appelle des " garants méta sociaux " (Dieu, Etat, le Progrès) pour expliquer le changement social, pour TOURAINE la société produit son " historicité ", c’est à dire ses grandes orientations culturelles.

Cette analyse permet, notamment, de comprendre l’importance qu’ont pris les problèmes d’éthique lié à la production génétique de l’être humain dans nos sociétés.

  • L’unité de l’acteur et du système partiellement obtenue dans la société industrielle, est remise en cause dans la société postindustrielle. Ainsi des études récentes ont montré que les individus envisageaient davantage leur carrière professionnelle comme un moyen de se réaliser qu’une fin en soi. François DUBET proche de TOURAINE a estimé que 64% des étudiants interrogés se déclarent prêts à militer pour une cause humanitaire ou pour la défense de l’environnement, alors que 22% d’entre eux seulement prévoient de syndiquer (la " génération morale ", ex des " French docteurs ").

Cet éclatement du corps social en une multitude de stratégies individuelles explique qu’à l’heure actuelle, le modèle actionniste soit de nouveau très utilisé.

En résumé, société industrielle et société programmée pour A. TOURAINE :

Société industrielle

Société programmée

Modèle culturel

Ethique du travail

Morale de la puissance, du plaisir, de la créativité

Garant métasocial

Dieu, l’Etat, le " progrès créateur "

Aucun

Investissement

Dans l’organisation du travail

Dans les finalités culturelles

Mouvement social central

Le mouvement ouvrier

Les mouvements anti-technocratiques

22 – Les courants de la sociologie française contemporaine du changement social.

On discerne toujours les prolongements des deux démarches fondatrices, mais les oppositions sont aujourd’hui moins marquées.

221 – La tradition holiste revisitée : BOURDIEU, TOURAINE.

2211 – L’approche de Pierre BOURDIEU

La sociologie de Pierre BOURDIEU est une synthèse paradoxale entre MARX et WEBER qui s’inscrit par ailleurs dans la tradition holiste chère à DURKHEIM.

  • Pour BOURDIEU comme pour MARX, le mouvement de la social est dû avant tout aux efforts de la classe dominante pour perpétuer sa domination. BOURDIEU rejoint la conception des classes sociales de WEBER. Dans cette conception les classes se différencient les unes des autres non seulement par la richesse, mais aussi par la culture, le pouvoir et l'idéologie. Enfin dans la tradition holiste, BOURDIEU introduit le concept d’habitus, défini comme un système de dispositions durables acquis par l’individu au cours de sa socialisation et qui conditionne de façon inconsciente ses comportements.
  • L’habitus est le produit de conditions sociales passées, mais est un principe générateur de conduites et de représentations permettant de construire des stratégies anticipatrices. L’habitus est donc un concept qui permet de dépasser l’opposition holisme et individualisme, entre les forces extérieures de la structure sociale et les forces intérieures issues des décisions libres des individus. L’habitus est caractérisé par le volume et la structure du capital (économique, culturel, social et symbolique) possédé par les individus. Chaque individu possède son habitus propre, cependant BOURDIEU postule l’existence d’habitus de classe qui sont donnés par la place de l’individu dans le mode de production et les conditions économiques, sociales et culturelles d’existence imposées par cette place. Cette situation objective va engendrer un ensemble de perceptions, de goûts et d’opinions que l’individu intériorise et s’incorpore progressivement de façon inconsciente tout au long de sa vie : l’habitus. Celui-ci se manifeste extérieurement par un " sens pratique ", c’est à dire des manières de se comporter en fonction des situations qu’il rencontre.
  • Pour Pierre BOURDIEU, la classe dominante se perpétue en imposant ses propres valeurs et normes aux classes inférieures. Ainsi l’école et la reproduction sociale qu’elle entraîne, est perçue comme une institution qui impose les normes et les valeurs des classes dirigeantes. Les enfants qui ont intégré ces normes et ces valeurs dans leur habitus sont favorisés dans leur réussite scolaire. L’obtention des diplômes légitime les positions sociales occupées par les enfants des classes dirigeantes qui reçoivent de par leur habitus de classe les normes et les valeurs sanctionnées par l’institution scolaire. Chez BOURDIEU, la pédagogie représente un pouvoir de violence symbolique des classes dirigeantes sur les autres.
  • Les classes dirigeantes tentent donc de reproduire à leur profit la société de classe et de perpétuer leur domination. Cependant pour Bourdieu, la reproduction n’exclut pas le changement, les classe dominantes sont capables d’innovations en particulier dans les domaines culturels (art, mode…), car elles doivent se différencier, légitimer les goûts, enrayer le déclin. BOURDIEU parle de tension à l’intérieur des classes dominantes et de lutte pour la domination symbolique impliquant des pratiques innovantes classantes.

Au total malgré les emprunts à WEBER, la démarche de BOURDIEU est donc essentiellement holiste dans la mesure où l’individu continue d’être déterminé de l’extérieur par la société.

2212 – Le changement social chez Alain TOURAINE (né en 1925)

TOURAINE est un héritier de MARX et de WEBER.

  • Pour TOURAINE, le changement social est le résultat des conflits sociaux, mais le lieu et les objets de conflit se sont déplacés.

Dans la société industrielle, les conflits sociaux avaient pour cadre le lieu de production (l’usine) et pour objet la répartition de la richesse créée. Ces conflits sans disparaître complètement sont de plus en plus relayés par des nouveaux conflits qui ont pour cadre la ville, l’université, l’environnement… Ils ont pour la plus part des enjeux culturels : la qualité de vie urbaine, la qualité de l’enseignement, la préservation de l’environnement…

  • Le mouvement ouvrier s’est affaibli au fur et à mesure que ses revendications étaient satisfaites (augmentation du pouvoir d’achat des salaires, baisse du temps de travail en particulier), il a perdu son rôle d’acteur principal du changement social (comme le voyait MARX). Les conflits sont désormais impulsés par de " Nouveaux mouvements sociaux " dont les membres appartiennent essentiellement aux nouvelles classes moyennes salariées (employés et cadres).
  • Ces nouveaux mouvements sociaux – anti nucléaire, féministe, étudiants, identitaires (régionalistes, ethniques, sexuels…) sont très divers, mais ils manifestent une même prise de conscience des acteurs sociaux de la possibilité qu’ils ont d’agir sur le fonctionnement de la société. Les nouveaux mouvements sociaux représentent des luttes pour le contrôle de l’historicité des sociétés postindustrielles (c’est à dire le pouvoir qu’elles ont d’agir sur elles-mêmes). Pour TOURAINE, les sociétés postindustrielles se caractérisent par des tendances technocratiques de la part des classes dirigeantes (le technocrate est l’archétype de la classe dirigeante dans la société programmée) contre lesquelles s’élèvent les catégories moyennes salariées diplômées pour influencer les orientations culturelles.

222 – Le renouveau de l’approche individualiste.

La période de mutation sociale actuelle caractérisée par un affaiblissement des régulations traditionnelles favorise l’individualisme comme valeur mais aussi comme paradigme sociologique.

2221 – L’individualisme méthodologique de Raymond BOUDON.

  • Pour Raymond BOUDON le changement social ne peut se réduire à une cause unique (la lutte des classes chez MARX, la pression démographique chez DURKHEIM). Il résulte d’un ensemble de facteurs économiques, sociaux et culturels qui, conformément au postulat de l’individualisme méthodologique, ne prennent de sens, et ne produisent d’effet, qu’à travers la perception qu’en ont les individus, perception qui détermine leur comportement.
  • La résistance au changement est donc le résultat du refus du coût qu’il implique pour les acteurs qui ne l’ont pas voulu, et pas le résultat d’une quelconque domination ou intention maligne. Le changement social acceptable est défini par les préférences collectives, ou valeurs qui assurent à la société à la fois une certaine permanence et une certaine plasticité pour affronter, sans risque de disparition, les chocs imprévus.
  • Raymond Boudon fonde sa démarche sociologique selon deux axiomes :
  • Les phénomènes sociaux sont le produit de l’agrégation d’actions individuelles (effet d’agrégation ou de composition). Le changement social ne saurait résulter d’un calcul rationnel collectif des acteurs, car chacun cherche à maximiser son intérêt personnel. L’agrégation des décisions individuelles (micro sociales) produit un résultat macro social qui n’est toujours celui recherché au départ par les individus.

La théorie des jeux et l’exemple du dilemme du prisonnier montrent que la décision individuelle la plus rationnelle pour chacun ne produit le résultat optimum pour les participants au jeu.

Deux complices d’un forfait sont emprisonnés séparément et ne peuvent se concerter. La matrice des peines selon que l’un ou / et l’autre avoue le forfait est la suivante et connue des deux prisonniers :

2

1

Avoue

Nie

Avoue

5 – 5

0 – 10

Nie

10 - 0

2 - 2

En choisissant de maximiser leur intérêt individuel séparément, aucun des deux prisonniers ne prendra le risque d’être le seul à nier, tous deux avoueront afin de minimiser les risques et écoperont chacun de 5 ans de prison, alors que la solution coopérative apporte une satisfaction plus grande pour chaque prisonnier.

R.BOUDON désigne deux types d’effets d’agrégation :

  1. Les effets d’amplification qui peuvent être vertueux ou pervers par exemple la courbe en " S " de diffusion d’un produit ou d’une mode, ou encore l’exemple de l’échiquier de Thomas Schelling pour exemple la ségrégation dans les quartiers de grandes villes américaines (" La tyrannie des petites décisions "PUF 1980).
  2. Les effets de neutralisation par exemple l’analyse faite par BOUDON de la mobilité sociale. Il y a bien démocratisation de l’école, qui entraîne une course aux diplômes car il y a désir d’ascension sociale, mais ceci entraîne une dévalorisation des diplômes. Toute la structure des diplômes se déplace vers le haut laissant inchangée la distribution des positions sociales.
  • L’individu a de " bonnes raisons " d’agir, c’est à dire que les individus agissent en fonction du sens que revêtent pour eux leur croyance et leur intérêt. BOUDON accepte l’hypothèse de rationalité limitée. Ces " bonnes raisons " dépendent du contexte social dans lequel est engagée l’action de l’individu. Ce contexte social est appelé par BOUDON " système d’interaction ". R.BOUDON distingue deux types de systèmes d’interaction :
  1. Les systèmes interdépendances (ex : la place de la concorde aux heures de pointe, le marché, une route à trois voies…) où les comportements et les rôles ne sont pas définis à priori.
  2. Les systèmes fonctionnels (ex : organisation, famille…) où les acteurs sont liés entre eux par des rôles plus ou moins bien définis et des attentes vis à vis de ces rôles.

BOUDON se situe bien dans la tradition de Max WEBER et d’une sociologie dite libérale (proche de la sociologie américaine, BOUDON a d’ailleurs étudié et enseigné aux Etats Unis). Il postule la liberté stratégique des individus dans une situation sociale donnée refusant tout déterminisme a priori, ce qui permet les évolutions sociales sans rupture mais ce qui ne refuse pas non plus que les individus soient influencés dans leur action la structure sociale dans laquelle ils évoluent.

2222 – L’interactionnisme de Michel CROZIER.

  • M. CROZIER est spécialiste de la sociologie des organisations sur lesquelles repose le fonctionnement de nos sociétés contemporaines (entreprises, administrations, syndicats, partis politiques…).

Pour étudier ces organisations Max WEBER avait forgé l’idéal type de la bureaucratie, c’est à dire un ensemble rationnel de moyens destinés à atteindre un certain objectif (voir le cours sur l’analyse de l’Etat). Si pour WEBER la bureaucratie est synonyme d’efficacité, dans l’opinion, non sans raison, elle est plutôt assimiler à l’inefficacité. C’est à l’étude de ce paradoxe que CROZIER consacre sont ouvrage le " Le Phénomène bureaucratique ".

  • Cette étude repose sur trois principes qui forme le " paradigme interactionniste " :
  • Dans une organisation, tout acteur a une certaine marge de manœuvre, une fraction de pouvoir, et chacun élabore des stratégies pour conserver ou accroître cette marge de manœuvre (voir cours sur l’Etat).
  • Ces stratégies font système, dépendent les unes des autres et interagissent, de telle sorte qu’elles offrent des opportunités d’action dans l’organisation.
  • Le sociologue, pour comprendre le fonctionnement de l’organisation, doit reconstruire les logiques subjectives des différents acteurs de l’organisation.
  • La proposition générale de Michel CROZIER est la suivante : la rationalité des comportements collectifs dans un ensemble organisé est limitée par les mécanismes d’ajustement des différents groupes aux relations de pouvoir constitutrices de leurs champs d’interaction (le pouvoir est la possibilité de modifier la situation à son avantage, comme chez M. WEBER).
  • La tendance universelle des sociétés modernes est de se protéger et de se sécuriser par des institutions. Pour M. CROZIER, l’incertitude relationnelle sur le pouvoir qui existe dans toute institution est centrale pour définir les groupes plus que les intérêts et sa culture. Le problème incontournable des sociétés modernes est donc celui de la communication entre les travailleurs et les dirigeants, les usagers et l’administration. Les solutions institutionnelles sont, elles-mêmes soumises à des conditions culturelles (ex la peur du face à face dans les relations sociales en France).

Les études empiriques de CROZIER et de ses disciples dans des administrations, des entreprises, permettent de montrer comment et pourquoi se produisent des blocages ou se met en branle le processus de changement. Au niveau macro social, c’est la série des différents blocages qui feront comprendre pourquoi la société est " bloquée " ou au contraire ouverte au changement.

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